Quand la milice vous joue des tours - Ronan

Ronan savait depuis longtemps que leur vie était fichue. Il savait depuis ce deuxième enfant qu'ils ne retrouveraient certainement jamais leur vie paisible d'avant. Il savait que les choses n'allaient qu'en s'empirant, mais espérait, quelque part au fond de lui, naïvement, que les choses pouvaient s'arranger, un jour. Sur l'Arche, les citoyens étaient surveillés pour chacun de leur geste. La moindre dénonciation, même fausse, faisait que votre surveillance était plus accrue encore. Le moindre avertissement faisait de vous quelqu'un de dangereux pour la sécurité de l'Arche. Le moindre emprisonnement ou crime faisait de vous la personne à abattre, celle à ne plus jamais laisser tranquille. Toutes ces histoires de résistance n'arrangeaient rien, au contraire. Les dénonciations sans preuve étaient nombreuses. Toutes les personnes ayant commis un délit ou un crime étaient soupçonnées désormais. Emma et Ronan cochaient beaucoup trop de cases : deuxième enfant, adultère, avortement, peine de prison, suspectés d'appartenir à la résistance. Ronan avait toujours imaginé qu'il serait protégé par son rôle dans la milice, mais il s'était trompé. Rien ne pouvait protéger les Inférieurs sur cette Arche. Cette intrusion, chez lui, l'avait montré. Chaque membre de l'Arche devait connaître les lois, les règles sur le bout des doigts. L'Arche ne laissait pas de seconde chance. L'Arche ne permettait aucune erreur, pour sa survie. C'était ce que chaque citoyen devait apprendre. Et les choses étaient pire encore depuis quelques mois, les lois se durcissaient et les peines étaient de plus en plus lourdes.

Il savait que sa réponse ne plaisait pas à son épouse. Elle soupirait et ça se lisait facilement sur son visage. « Bien sûr que l'on fait des listes, Emma... On nous répète sans cesse que le moindre faux pas sur l'Arche peut mettre l'Arche tout entière en danger. Alors on fait des listes pour chaque nom prononcé, pour chaque dénonciation, même sans preuve, pour chaque délit, pour chaque crime, pour chaque activité suspecte, pour chaque personne susceptible de ne pas respecter les lois... » Leurs noms étaient désormais sur celle des possibles traîtres. Tout le monde savait que la milice ne faisait aucun cadeau. Tout le monde savait que la milice s'acharnait jusqu'à trouver des preuves.

Emma insista ensuite de nouveau sur le fait qu'il devait peut-être se reposer encore. Elle l'avait déjà fait auparavant et Ronan s'était dit que ce n’était que parce qu'il rentrait de son service et qu'il devait dormir. Alors oui, il avait peu dormi et oui, il était fatigué, mais il commençait à se demander si son épouse ne voulait pas simplement être seule, loin de lui. Sa réponse ne lui faisait pas plaisir. Évidemment. « Emma... C'est... C'est fou ça ! Je viens juste de me lever et déjà tu imagines que je vais t'ignorer ou que je vais faire en sorte qu'on se dispute ? Je ne t'ai pas ignoré là, si ? Je n'ai pas fait d'efforts ce matin ? » Il gardait son calme, bien qu'il retrouvait de sa mauvaise humeur et de sa froideur. Emma s'imaginait donc que désormais, il n'était bon qu'à chercher la dispute ? Après ce matin, il ne s'était pas imaginé la suite comme ça, bien qu'il le craignait.

Difficile pour Emma d'écouter ses explications. Parce que tout en l'écoutant elle réfléchissait et du coup elle comprenait qu'elle était un être à part à présent et elle ne pu s'empêcher de partager cette pensée avec lui.

"- Donc si je comprends bien je suis sur toutes vos listes quasiment...."

Ce n'était pas une question, juste une constatation. Après tout elle ne faisait que réagir à ce qu'il venait de dire et même lui à présent était sur plusieurs de leurs listes et Arthur aussi si on restait sur cette logique. Emma était devenu comme l'ennemi public numéro un alors qu'elle n'avait réellement fait qu'avorter, tout le reste n'était que mensonge pour sauver son mari. Et maintenant à cause de ça lui aussi était fiché, lui aussi était surveillé et lui aussi devait travailler avec ces gens là tout en sachant qu'il était surveillé.

Du coup la suite de leur discussion lui paru tellement absurde mais en même temps importante. Finalement elle commençait à comprendre Ronan, se demandant si au final son comportement n'était pas lié à tout ceci, à ces listes dont il avait parlé.

"- Si tu as fait des efforts bien sur... mais... est-ce que tu ne me détestes pas parce que.. qu'à cause de moi toi aussi tu es sur leurs listes ?"

Oui, après tout ce raisonnement était cohérent. Il l'avait engueulé plusieurs fois, fait comprendre qu'elle devait se taire et elle pensait que c'était parce qu'il avait peur, parce qu'il voulait que tout le monde croit leurs mensonges mais en réalité c'était peu être bien parce qu'elle les avait mis dans une situation délicate et qu'il lui en voulait d'être sur autant de listes. Et dire que tout ce dont elle rêvait depuis tout à l'heure c'est qu'il la prenne dans ses bras et qu'il la rassure, mais c'était impossible.

Ronan essayait d'expliquer toutes ces histoires de listes. Il était pourtant persuadé qu'Emma connaissait leur existence. Beaucoup le savait, mais peu en parlait. C'était l'un des principaux outils de travail des miliciens. Ils s'en servaient pour noter tous les noms qui revenaient trop souvent. Ils s'en servaient lorsqu'ils devaient trouver des suspects. Ils s'en servaient lorsqu'ils devaient faire pression sur certaines familles. Ces listes étaient le résultat des nombreux jugements, des nombreuses dénonciations, mais pas que. Les habitants prenant le temps de participer aux réunions officielles voyaient également leur nom inscrit sur un liste à part. Ceux qui se réunissaient trop souvent ou qui se rendaient beaucoup à tel ou tel endroit, appartenaient à une autre liste. La liberté des membres de l'Arche était plus que limitée. Chaque geste était scruté, observé, jugé. C'était un moyen de répression comme un autre sur l'Arche. Tous les habitants savaient que l'Arche était intraitable lorsqu'il y avait un manquement au règlement. « Nous sommes... » la reprit-il. C'était une triste constatation, mais c'était la vérité. Pour une simple petite erreur, ils étaient tous en danger. Parce que l'Arche n'acceptait pas la moindre petite erreur. C'était pourquoi il avait réagi ainsi lorsque sa femme lui avait avoué attendre un autre enfant. Pourquoi il avait agi ainsi lors de son retour, l'obligeant à vivre comme un couple séparé devant leur fils et devant les autres. C'était pour ça qu'il avait si peur, qu'il était obligé de faire tant de choses qu'il détestait, qu'il le faisait culpabiliser. Le Gouvernement, l'Arche, la milice l'avaient rendu comme ça, l'avaient changé.

La suite ne lui avait pas plu. Elle s'imaginait déjà voir Ronan crier, s'énerver ou l'ignorer. Il avait pourtant essayé de faire des efforts, non ? Bien sûr, il ne pouvait pas redevenir l'homme d'autrefois en un instant, mais il essayait de faire revenir peu à peu ce Ronan. A la question de sa femme, il soupira. « Je ne te déteste pas Emma... » commença-t-il doucement. « si l'un de nous devait détester l'autre, ce serait plutôt à toi de me détester. » il était celui qui avait tant changé, qui ne savait plus rassurer et aimer son épouse comme autrefois. « Je me fiche de leur liste... Ils peuvent me mettre sur toutes les listes qu'ils veulent... Ce que je veux, c'est être en sécurité, autant que c'est possible. Pour ça, il nous faut respecter les lois, il nous faut être prudent, faire passer tous ces mensonges pour la vérité. S'ils apprennent la vérité, s'ils apprennent que tu as menti, nous n'aurons plus aucune chance ! » Il lui avait déjà dit lors de son retour, mais ils se disputaient alors peut-être n'avait-elle pas compris l'importance de toutes ces choses ? Elle lui avait dit savoir qu'ils devaient être prudents, savoir qu'ils allaient être surveillés, mais peut-être n'avait-elle pas imaginé l'ampleur de la chose ? « On doit être fort et prudent, ils ne nous lâcheront plus jusqu'à nous faire craquer, Emma... Je ne sais pas si j'aurai la force de faire tout ça encore longtemps.. » supporter la pression, la culpabilité, le danger, l'éloignement, l'humiliation. Il se confiait parce que c'est ce qu'il faisait autrefois avec son épouse, il lui disait ses craintes et ses peines. Depuis quelques mois, il n'avait jamais eu aussi peur, peur que même l'arrivée sur la Nouvelle-Terre ne change rien à leur vie, peur de devoir vivre ainsi pour toujours.

Emma pouvait parfois se montrer naïve et elle avait beau avoir pris de l'âge cela ne changeait. Elle était toujours aussi naïve et pourtant comme le pensait Ronan elle devait s'en douter mais quelque part elle ne voulait pas y croire. Alors forcément quand Ronan lui dit, lui confirma ce qu'elle savait déjà mais qu'elle ne voulait pas entendre elle fut surprise et ne réussit pas à cacher cette surprise. Surprise et déçu aussi bien entendu.
Elle pensait qu'à présent il la détestait pour ça, à cause de tout ce qui c'était passé ils étaient sur une multitude de liste, tous les trois et Ronan pouvait lui en vouloir parce qu'il avait perdu de sa superbe avec ce qu'elle avait fait, il avait perdu de son autorité, il n'était plus si puissant malgré qu'il était milicien. Il se pouvait même qu'il soit rétrogradé si rien ne changeait. Donc du coup elle pensait qu'il la détestait à cause de ça.

"- Je ne te déteste pas Ronan."

Tout ce qu'elle avait fait c'était mentir et elle ne comprenait donc pas pourquoi la vérité pourrait leur être aussi fatale. C'était difficile pour elle à imaginer.

"- Mais ce ne sont que des mensonges et puis j'ai mis fin à la grossesse, je ne vois en quoi la vérité pourrait nous porter préjudice. Je ne comprend plus Ronan."

C'était trop compliqué pour elle, elle avait payé déjà en mettant fin à sa grossesse en se séparant d'un enfant qu'elle aurait pu aimer et qui surtout concrétisait leur amour. Elle avait fait de la prison en plus de ne plus porter cet enfant, c'était déjà bien suffisant, ils ne pouvaient pas lui faire payer plus. C'était déjà bien assez douloureux pour elle. Tout ceci était passé, cela ne faisait pas d'elle l'ennemi numéro un de l'arche. A croire qu'ils n'avaient rien d'autre à faire que terroriser de pauvres citoyens qui commettent des erreurs.

"- Tout ceci prendra fin quand on sera sur la nouvelle terre, promet moi qu'on n'aura plus rien à craindre..."

Parce qu'elle refusait d'avoir à supporter ça aussi longtemps. Quelques jours, quelques semaines elle arriverait à l'encaisser même si c'était très douloureux déjà mais plus des mois ce n'était pas possible. Sans vraiment le faire exprès elle se rapprocha de Ronan et vint se blottir contre lui, posant sa tête sur son épaule. Elle avait besoin de sa force, de son réconfort mais avait oublié qu'il n'était plus enclin à lui donner.

Il ne pouvait pas la détester pour tout ça. Il ne pouvait pas parce qu’elle n’était pas la seule responsable. Ce bébé, elle ne l’avait pas fait toute seule, Ronan était tout aussi responsable qu’elle. Et elle avait été la seule à payer pour ça, alors non, il ne pouvait vraiment pas la détester. Pourtant, il devait faire semblant que c’était ce qu’il ressentait pour son épouse. En revanche, elle, elle avait toutes les raisons de lui en vouloir, de le détester. Elle l’avait rassuré, lui assurant qu’elle l’aimait et qu’il n’était pas un monstre, mais il avait du mal à le croire. Du mal à croire qu’une femme comme Emma puisse encore aimer quelqu’un comme Ronan. Alors bien sûr, il y avait toutes ces listes, ce danger permanent que représentait leur secret, mais malgré tout leurs problèmes, il aimait cette femme plus que tout.

Encore une fois, elle le rassurait, assurant qu’elle ne le détestait pas. Il n’y répondit pas, essayant de la croire. Leur discussion se poursuivit sur leur mensonge. Il ne devait jamais être découvert et même si Ronan en avait déjà discuté avec elle, elle ne semblait pas comprendre pourquoi. Pour lui, c’était évident et ça devait être évident pour tout le monde, mais il se trompait certainement. Pour lui, c’était évident parce qu’il appartenait à la milice, parce qu’il savait comment tout ça se passait. Les autres craignaient, mais espéraient certainement pouvoir s’en sortir facilement, sans savoir tout ce que la milice mettait en place pour traquer les menteurs tout comme les criminels. « Si un jour quelqu’un apprend que tu as menti, que je suis le père du bébé… Je serai condamné Emma. Je serai condamné parce que toi tu as payé pour ce bébé, mais pas moi. Je serai condamné parce que j’ai cautionné ton mensonge Emma et ni le gouvernement ni la milice n’apprécient que l’on se moque d’eux en mentant. Et tu seras condamnée pour avoir osé mentir lors d’un interrogatoire officiel. Eux se fichent de connaître les raisons de ton mensonge, la loi, c’est la loi. Ils ne verront que le mensonge pour protéger quelqu’un de la prison ou de la mort. Qu'un mensonge pour empêcher un criminel de payer pour ce qu'il a fait. » Certains étaient condamnés pour moins qu’un mensonge. Ils étaient condamnés à cause d’une rumeur, d’une dénonciation sans preuve. Emma devait comprendre que leur vie était en danger. Elle devait comprendre que si quelqu’un découvrait la vérité, ils seraient tous les deux condamnés à mort.

Il déglutit difficilement lorsqu’elle reprit la parole. Il ne pouvait pas lui promettre, même s’il aurait aimé le faire. Il n’avait pas encore répondu quand elle vint se blottir contre lui. Il fut surpris par ce geste, mais y répondit en l’entourant de ses bras. « J’aimerai te le promettre Emma, mais je ne peux pas. J’ignore si les Inférieurs seront mieux traités, j’ignore même s’ils nous laisseront tranquille… Encore quelques mois… En attendant il nous faut survivre ici, dans l’Arche. » Et c’était déjà beaucoup. Des mois difficiles les attendaient, il espérait qu’ils seraient capable de les affronter et à cette idée, il serra davantage son épouse contre lui. Ensemble, ils étaient certainement plus forts.

Tout ceci était loin d'être évident et clair dans la tête d'Emma et Ronan ne s'en rendait pas compte. Ce qui était une évidence pour lui ne l'était pas pour elle. Elle ignorait certaines choses ou le faisait volontairement sans vraiment s'en rendre compte parce que ça la dérangeait et les explications de son mari lui paraissaient claires mais lui faisaient peur. Cette vérité ne lui plaisait tout simplement pas et elle ne voulait pas que les choses se passent comme il le disait.

"- Je ne me suis moqué de personne, j'ai juste voulu faire en sorte que notre fils ne grandisse pas sans ses parents. On a déjà assez payé en mettant fin à cette grossesse, j'ai assez payé et je ne vois pas pourquoi tu devrais payer toi aussi. Ils ne peuvent pas nous laisser en paix..."

C'était trop demander, elle vivait déjà comme une paria entre les voisins qui la regardait mal, son époux qui l'ignorait et faisait en sorte de la détester, ce qui paraissait tellement vrai qu'elle s'y perdait elle même. Elle se fichait pas mal des règles, tout ce qu'elle voulait c'était tourner la page, arriver à vivre comme avant, mais elle comprenait bien malgré elle que plus rien ne serait jamais comme avant. C'est pour cela qu'elle demanda à Ronan de lui assurer qu'une fois sur la nouvelle terre tout changerait, tout ceci serait derrière eux et qu'on leur ficherait la paix sur cet épisode de leur vie.

Emma était ensuite venu se coller contre son mari, elle avait besoin de cela puisqu'elle l'avait fait sans réellement s'en rendre compte, ce n'est que quand il lui répondit qu'elle compris qu'elle n'aurait pas du le faire et pourtant elle resta là ne trouvant pas la force de reculer, de s'éloigner de lui.

"- Je ne sais pas si j'aurai la force Ronan, c'est trop dur d'être aussi loin de toi."

Surtout après cet épisode de sa vie qu'elle a passé dans cette prison, loin de son homme et de son fils. Elle est humaine, elle a des besoins et en prison aucun de ses besoins n'était comblé. Elle aime son mari, elle aime son fils mais cette épée qu'ils ont à présent sur la tête lui semble trop difficile à surmonter, elle pense qu'elle n'aura pas la force de supporter toute cette pression surtout si elle ne se sent pas spécialement épaulé par son époux. Toute seule, elle ne tiendra pas. Ses mains qui étaient dans son dos se pressèrent contre le tissus de son haut et le serrèrent très fortement alors qu'elle était toujours serré contre lui.

Ronan tentait tant bien que mal d'expliquer à Emma pourquoi il avait voulu instaurer tant de nouvelles choses dans leur vie. Ils étaient désormais surveillés, scrutés à chaque instant de leur vie. Le passage de la milice l'avait clairement montré. Ils n'étaient plus en sécurité, parce que partout, sur ces maudites listes, ils étaient considérés comme des traîtres. Aux yeux d'Emma, elle n'avait rien fait de mal. Un innocent mensonge pour protéger son mari et son fils. Une punition déjà subie. Pour le Gouvernement et la milice, Ronan devrait payer à son tour si leur secret était découvert. Un bébé ne se faisait pas seul et découvrir que Ronan était réellement le père de ce bébé le mettrait en danger. Il savait que le Gouvernement ne se contenterait pas de l'emprisonner, il serait directement puni de la peine de mort. Un bel exemple pour tous les Inférieurs. Une façon de leur montrer qu'ils n'étaient pas en sécurité et que le moindre mensonge pouvait être lourdement puni. « Eux ne voient pas les choses comme nous Emma. Ce bébé était de moi, je suis aussi coupable que toi alors ils peuvent me condamner pour ce crime parce que je n'ai pas payé... Ils se fichent de savoir les sacrifices que l'on a dû faire. Ils se fichent de notre chagrin d'avoir perdu ce bébé. Ce qu'ils veulent, c'est juste nous montrer qu'on doit obéir et respecter les règles, rien d'autre ! » expliqua-t-il. Emma et Ronan pouvaient avoir toutes les bonnes raisons du monde, le Gouvernement s'en fichait pas mal. Et Ronan avait peur. Peur que l'on découvre tout. Et si ce Supérieur dont Emma était tombé enceinte et si le véritable père d'Arthur, un jour, se mettait à parler ? Emma serait condamnée à mort pour une relation interdite entre un Inférieur et un Supérieur. Ronan serait certainement condamné pour l'avoir protégé. Et Arthur se retrouverait seul. Et si Fantine dévoilait que Ronan était le véritable père du bébé et qu'ils avaient menti ? Ils devaient être discrets et prudents. Ils devaient faire en sorte que leur nom n'apparaisse plus si souvent. Ils avaient déjà enfreint tellement de règles.

Il aurait aimé lui promettre la sécurité et le changement une fois sur la Nouvelle-Terre, mais il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas parce que rien ne disait que leurs conditions changeraient. Tout pouvait même être bien pire pour eux. Les conditions de vie risquaient d'être bien difficile dans un nouveau monde alors les Inférieurs en subiraient certainement encore les conséquences, entre privations et durcissement des lois. Ils en avaient l'habitude. Son épouse vint se coller à lui. Il aurait tellement aimé pouvoir lui jurer qu'elle serait en sécurité bientôt, mais il ne put pas, il ne pouvait pas mentir. Alors il la serra davantage contre lui tout en lui disant la vérité. A sa réponse, il ne put s'empêcher de fermer les yeux un instant. Il la comprenait. Mais il ne voyait pas d'autres solutions. Tout ce qu'ils pouvaient lui promettre, c'était de traverser ces épreuves ensemble, cachés du reste de l'Arche. Il sentit la pression sur son dos, mais n'y répondit pas. Il en profitait pour réfléchir à la meilleure réponse à donner. Quelques secondes plus tard, il mettait fin à leur étreinte, attrapant le visage de sa femme entre ses mains. « Ce n'est que pour quelques temps Emma. Je te promets que l'on trouvera une solution. Je te promets qu'avec le temps on pourra expliquer que je t'ai pardonné. Je suis toujours là, à tes côtés, même si je ne peux pas le montrer. » Il la soutiendrait toujours, malgré les disputes et les désaccords. Il avait toujours été là pour elle, depuis toujours et elle avait toujours été là pour lui. « Tu dois être forte pour Arthur et pour moi. » Parce qu'il ne savait pas s'il réussirait lui non plus. Si les deux sombraient, tout était fini pour leur fils.

Décidément Emma ne comprenait vraiment plus ce monde dans lequel elle évoluait. Elle avait payé pour un crime qui n'était plus là, l'enfant qu'elle portait était parti, disparu de son ventre et il n'y avait plus aucune trace de lui nul part. Jamais ils avaient eu la possibilité ou le temps d'analyser ce qu'il en restait et donc de trouver des traces d'ADN parce que sinon ils seraient morts tous les deux. Et Ronan insistait pour qu'elle comprenne qu'il risquait gros aussi alors que jamais ils ne pourraient prouver ce qu'il avance.

"- On a dit et on continue à dire que cet enfant était d'un autre, l'enfant d'un adultère alors je ne vois pas pourquoi ils penseraient autrement. Et puis de toute façon tu continues à faire comme si j'étais coupable puisqu'il faut rester sur notre position, donc je ne vois pas pourquoi ils te soupçonnerait toi. Il n'y a plus aucune trace de mon crime.."

Et puis s'il le fallait elle trouverait un amant, enfin un type à désigner, de toute façon personne ne le croirait lui plus qu'elle après tout. Enfin bon, toute cette situation la dépassait et elle avait besoin du soutien de son époux et c'était blottit contre lui.

Seulement comme à son habitude Ronan ne la garda pas longtemps auprès d'elle, juste assez longtemps pour lui faire penser qu'elle avait peu être enfin retrouver son mari mais très rapidement il la repoussa même si la suite n'était pas désagréable. Elle n'aimait pas spécialement quand il la tenait de cette façon puisqu'en même temps c''était pour lui faire la morale. Elle le regarda et l'écouta parce qu'elle n'avait pas d'autre choix. Il avait raison mais c'était trop difficile pour elle à admettre, elle qui ne voulait que retrouver son mari. Alors les larmes montèrent à nouveau et brouillèrent sa vision, faisant briller ses pupilles laissant voir l'émotion qui la submergeait.

"- Alors montres moi que tu es à mes côtés Ronan, nous sommes seuls, personne ne le saura."

Elle espérait tellement qu'il finisse par laisser tomber toutes les barrières qu'il avait hissé entre eux et qu'il redevienne son mari l'espace d'un instant. Qu'il lui laisse entrevoir le peu d'amour qu'il ressentait encore pour elle ou tout l'amour qu'il ressentait pour elle, qu'elle lui avait manqué, qu'il avait besoin d'elle, de sa présence et de tellement plus encore.

"- J'en ai besoin..."

Il fallait qu'il comprenne que les mots n'étaient plus suffisant pour elle, elle avait besoin d'actes, de démonstration. Quelque chose à quoi s'accrocher en attendant que les choses se tassent.

Ronan et Emma n’étaient protégés que grâce à leur secret et leur mensonge. Du moment où ce secret tenait, ils étaient plus ou moins protégés. Néanmoins, ils devaient se comporter comme un couple séparé, un couple en crise aux yeux de tous pour éviter que naissent des soupçons. Après tout, puisque Ronan prenait souvent la défense de sa femme, Fantine avait eu des soupçons sur cet enfant alors les autres pouvaient tout autant en avoir. Ils devaient être plus que prudents. Et si le secret était découvert, Ronan ne pourrait pas sauver sa peau cette fois-ci. Il avait déjà été étonné de la tournure qu’avait pris le procès d’Emma. Étonné qu’elle ne soit pas condamnée à plus. Étonné qu’elle ne soit pas forcée d’avouer le nom du père du bébé. Les Supérieurs étaient imprévisibles, décidant de leurs peines en fonction de leurs humeurs. « J’espère que ce mensonge tiendra… » souffla-t-il. Il savait que les Supérieurs n’avaient besoin de rien d’autre que des soupçons pour les punir alors il espérait que des doutes ne naîtraient pas chez eux. Il s’arrêtait là, préférant laisser cette conversation de côté pour le moment. D’autant plus que son épouse voulait être rassuré sur leur arrivée sur la Nouvelle-Terre. Il ignorait tout de leurs futures conditions, de leur futur vie. Il ignorait si les Inférieurs vivraient mieux, seraient plus libres, peut-être même égaux aux Supérieurs. Il avait toujours le droit de rêver.

Tout en la rassurant, il la serrait contre lui. Il aimait la sentir tout près de lui, il se sentait bien, en sécurité. Il attrapa ensuite, délicatement, le visage de son épouse, posant chacune de ses mains de chaque côté de son visage. Il lui promettait ce qu’il pouvait lui promettre, il la rassurait, lui demandait d’être forte pour eux. Sans comprendre, il remarqua ensuite les larmes dans les yeux de sa femme. Un instant, il se disait qu’il avait dû dire quelque chose de mal, qu’il l’avait blessé involontairement. Ou peut-être était-ce ce trop plein d’émotions ? De sentiments ? D’angoisse ? Il l’ignorait. Ronan n’était pas le plus doué pour reconnaître les émotions chez les autres, pas même chez son épouse. Il comprenait de quoi elle avait besoin, il en avait besoin lui-aussi. Il comprenait bien qu’indirectement, elle lui avait déjà demandé ou fait comprendre ce qu’elle aimerait. Pourtant, il ne pouvait pas. Il faisait semblant de ne pas comprendre, il ignorait ou il esquivait. Il ne voulait pas lui faire de mal en lui disant clairement les choses alors il essayait juste de les éviter. Après l’avoir longuement dévisagé, il avait fini par l’embrasser, plus passionnément que le matin, la tenant serrée contre lui. Il voulait apaiser sa peine, lui prouver qu'il l'aimait. Sauf qu’il avait bien vite arrêté. « Je ne peux pas Emma… Je suis désolé… » avoua-t-il en se dégageant de cette étreinte, s’éloignant, lui tournant le dos. Bien sûr qu’il avait envie de retrouver sa femme après tant de temps. Bien sûr qu’il l’aimait toujours et qu’elle lui manquait. Sauf qu’en tête, il n’avait qu’une idée, qu’une pensée qui l'obsédait. Un accident était déjà arrivé, bien qu’ils aient été prudents. Et il n’avait peur que d’une chose : un autre accident. Le sort semblait s’acharner contre eux. « Je t’aime Emma, je sais que tu aimerais plus que des mots, mais pas maintenant… s’il te plait. » souffla-t-il en lui faisant face, désormais. Il n’était pas simple de se justifier sans la braquer, la vexer.

Emma pensait assez naïvement que personne ne comprendrait jamais leur mensonge, tout simplement parce que celui d'Arthur tenait depuis dix ans maintenant. Personne n'avait jamais rien soupçonné et le véritable père de l'enfant avait même complètement oublié Emma, ne lui adressant plus jamais la parole. Elle ne lui avait jamais dit la vérité mais il n'était pas bête et il avait du comprendre pour peu qu'il ait tenté de réfléchir un peu à la situation de la jeune femme à l'époque. Alors, elle pensait que ce mensonge ci fonctionnerait aussi et puis ils faisaient tout pour qu'il fonctionne. Après tout Ronan faisait en sorte d'être loin d'elle en journée, d'être là quand elle n'y était pas. Ils se disputaient sans arrêt comme un couple brisé. Donc il n'y avait aucune raison pour qu'on pense qu'ils mentaient. Les larmes d'Emma étaient de véritables larmes et jamais elle ne faisait semblant d'être malheureuse et de souffrir. Elle regrettait juste qu'ils aient du en arriver là parce que c'était difficile à supporter.

"- Il tiendra !"

Vu la manière dont tout se déroulait il devait tenir, elle ne souffrait pas autant pour rien, elle s'y refusait.

Justement elle voulait que son époux comprenne qu'elle avait besoin de lui et pas seulement de mot. Il lui manquait terriblement et elle n'espérait qu'une chose qu'il baisse sa garde et lui revienne comme avant, qu'il lui montre qu'il l'aime comme avant tout ça. L'espace d'une seconde elle le retrouva, partageant un baiser des plus doux, laissant penser qu'il avait enfin baisser sa garde. Seulement, cela ne dura pas longtemps, Emma répondait à son baiser, ses mains descendaient doucement dans son dos et déjà il prenait le large. Lâchant ses lèvres, reculant, s'excusant, il laissa Emma sur sa fin et désagréablement surprise. Ses excuses ne tenaient pas, Emma essayait de le retenir avec ses mains mais savait que déjà il filait loin d'elle.

"- Ronan... s'il te plait... ne dit pas ça..."

Il l'aime mais il ne peut pas lui offrir plus qu'un baiser. C'est n'importe quoi, Emma ne comprend plus et cette fois-ci les larmes coulent sans réserve. Il l'a a nouveau blessé en la repoussant de cette façon, comme s'il venait de se rappeler qu'elle l'avait trompé alors qu'il savait que tout ceci était faut. Pourquoi est-ce qu'il fallait qu'il réagisse ainsi ? Elle posa sa main sur la sienne, tendant de lui faire comprendre qu'elle ne voulait pas qu'il s'éloigne et qu'il lui revienne surtout. Son regard était suppliant, son visage aussi et l'incompréhension se lisait dans ses yeux.
Et puis du bruit se fit entendre à l'extérieur de leur appartement, puis un coup, quelqu'un frappa et à contre coeur Emma recula pour aller ouvrir.

Elle frotta rapidement ses yeux et se retrouva face à une personne qu'elle ne connaissait pas spécialement.

"- Emma Crawley ?"
"- Oui."
"- Vous êtes officiellement autorisé à reprendre votre travail à la bibliothèque dès demain."

Et la personne lui tendit un papier officiel sur lequel était noté la date de sa reprise de travail, cette autorisation officielle qu'elle attendait depuis longtemps maintenant. Emma pris le papier un peu tremblante et le remercia avant de refermer la porte et de poser le papier sur le meuble à côté d'elle. Et puis elle dit simplement à Ronan.

"- Tu vois tout le monde peut constater que notre couple est à la dérive."

Puisque c'était ce qu'il voulait, qu'on croit à son mensonge et bien il ne pouvait pas nier qu'elle n'avait pas à se forcer, les larmes sur ses joues, ses yeux gonflés. Ce messager n'était pas le premier à la voir dans cet état, déjà l'autre fois quand elle était sorti après leur dispute, beaucoup de gens avaient pu la voir triste et malheureuse, comme devait l'être une femme adultère dont le mari refusait le pardon.

Ronan aimait sa femme plus que tout au monde. Il l'avait toujours tellement aimé. Il était heureux de la retrouver, de pouvoir la serrer dans ses bras et l'embrasser. De pouvoir la sentir près de lui, l'entendre respirer et sentir son parfum. Pourtant, il n'y arrivait pas. Il ne pouvait pas pleinement la retrouver. Il ne pouvait pas lui montrer qu'il l'aimait. Il était paralysé à l'idée de revivre ce qu'ils venaient de vivre, paralysé à l'idée de souffrir encore une fois. Ils avaient toujours fait très attention. Ils avaient toujours été très prudents et pourtant ce bébé était arrivé. Si un accident avait pu arriver une fois, pourquoi pas deux ? Il comprenait les besoins et les envies de son épouse, il avait les mêmes. Il comprenait, mais ne pouvait y répondre. Il voulait essayer, vraiment. Il lui avait donné ce baiser auquel elle avait répondu. Il la tenait serré contre lui. Il sentait les mains de son épouse descendre le long de son dos. Et même s'il voulait se laisser aller, il n'y arrivait pas. Il ne pensait qu'au possible accident, il n'avait que cette éventualité en tête alors qu'il l'embrassait. Alors il l'avait lâché, il s'était reculé, retourné. Il ne voulait pas céder à son envie parce que sa raison l'embêtait bien trop.

Il savait qu'il l'avait fait espérer pour rien. Il savait que c'était mal ce qu'il faisait, mais il ne pouvait s'en empêcher. Elle avait essayé de le retenir, mais elle ne le pouvait pas. Il savait qu'il venait de la blesser. Il suffisait de lire sur son visage, d'entendre sa supplication, de sentir sa main contre la sienne. Il évitait son regard, déglutissait difficilement. Il ne savait quoi dire, quoi répondre. Heureusement quelqu’un vint frapper à la porte, le sauvant un instant des explications. Il restait là, immobile, observant la scène. Elle était désormais autorisée à reprendre le travail. Ronan était rassuré et apeuré par cette nouvelle. Reprendre le travail, être loin de la maison ne pourrait que faire du bien à son épouse. Mais supporterait-elle les regards accusateurs de ses collègues ? Il craignait qu’elle ne craque face à toute cette pression. Lorsque la porte se referma, il soupira aux mots d’Emma. « J’aimerai que ce ne soit qu’une façade… » Il aurait aimé qu’elle ne pleure pas réellement, qu’elle ne soit pas malheureuse. « Laisse-moi du temps Emma, juste du temps… J’ai envie que l’on se retrouve, mais je n’en suis pas capable pour l’instant… Je ne pense qu’à cet accident, ce bébé, qui a failli nous coûter la vie. » Elle devait trouver ça ridicule et il le comprendrait. Mais ça ne changeait rien à ce qu’il ressentait. Et il en était sincèrement désolé, il aurait aimé être capable de passer au-dessus de tout ça maintenant.

Emma souffrait réellement de la situation, chaque rapprochement lui coutait terriblement puisque Ronan reculait encore plus après ça. A chaque tentative elle espérait qu'il baisse enfin sa garde mais rien, il ne pouvait pas passer au dessus ses aprioris, ses peurs. Emma ne comprenait pas ce qui se passait dans sa tête, c'était trop lui demander, déjà qu'elle avait du mal avec la sienne.

Elle avait beau le supplier, rien ne venait et Ronan gardait ses distances, c'était de pire en pire. Est-ce que cet intermède allait changer quelque chose ? l'arrivée d'un visiteur ne semblait pas avoir fait changer d'opinion Ronan, bien au contraire. Emma se doutait que maintenant il allait s'éloigner encore plus alors à quoi bon tenter de se rapprocher de lui ? Elle lui dit malgré tout ce qui lui passait par la tête tout en frottant à nouveau ses larmes. Elle n'en pouvait plus de pleurer à chaque fois qu'ils étaient tous les deux. Reprendre le travail lui ferait du bien, au moins elle ne serait plus avec lui et n'aurait plus à espérer pour rien. Elle se mordilla les lèvres quand il reprit la parole tout en essayant de le regarder. C'était difficile de le regarder en face parce qu'elle ne le comprenait plus. Et quand il parla du bébé, Emma senti l'émotion la reprendre encore plus fort. Difficile pour elle t'écouter ce qu'il avait à dire.

"- Alors tu ne me toucheras plus jamais...."

Qu'elle lui dit tandis que l'émotion lui cassait la voix. C'était ça en réalité, la peur qu'elle ne retombe enceinte ! Emma venait de comprendre, mais le risque avait toujours été présent et maintenant il ne pensait plus qu'à cela. Pourtant ils allaient bientôt arriver sur cette nouvelle terre, peu être que les règles pour les naissances allaient changer. Non, Ronan l'avait déjà dit, rien ne changerait, alors leur couple ne se retrouverait plus jamais si Ronan faisait une fixation là dessus. Il allait tout gâcher entre eux alors qu'il y avait des millier de solutions pour empêcher une nouvelle grossesse.
Il pouvait malgré tout la serrer dans ses bras, l'embrasser ou même dormir avec elle, il pouvait la toucher sans forcément en arriver au plus fort de leur amour, mais visiblement Ronan avait occulté tout ça.

Ronan aurait aimé être là pour elle, mais il faisait du mieux qu'il pouvait. Il avait besoin de temps pour tout accepter, accepter les risques. Le jour de sa sortie, il l'avait à peine pris dans ses bras et ne l'avait même pas juste embrassée. Aujourd'hui, ils s'étaient embrassés, il l'avait serré contre lui. Le temps apaisait ses peurs. Au départ, il ne voulait pas les partager avec sa femme, esquivant tout simplement ses demandes, s'éloignant d'elle sans donner d'explications. Sauf que cette fois-ci il n'avait plus le choix, il ne pouvait pas se cacher éternellement. Il paraissait peut-être ridicule, mais c'était ce qu'il ressentait au fond de lui. Aimer ne semblait pas forcément une bonne chose sur cette Arche, cela pouvait conduire à tellement de non respect des lois. Ils avaient été punis parce qu'ils avaient créer la vie, Fantine était punie parce qu'elle aimait quelqu'un qui n'était pas de sa condition, beaucoup étaient punis parce qu'ils en aimaient d'autres que leur époux ou épouse. Tout semblait si dangereux.

Ronan accumulait les craintes, les peurs, les culpabilités, les colères et les problèmes. Lui-même ignorait comment un seul homme pouvait avoir tant de sentiments contradictoires en lui, comment un seul homme pouvait vivre avec tant de haine et de culpabilité en lui. Il se sentait détruit, il voyait sa vie défiler sans qu'il n'ait plus son mot à dire. Ce n'était plus Ronan qui prenait les décisions, uniquement ses peurs. Il s'était même laissé changer. « Non Emma, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire... » Il se détestait plus que jamais. Comment pouvait-il se montrer si cruel ? Elle lui avait dit qu'elle l'aimait, qu'il n'était pas un monstre, mais il avait du mal à le croire à chacun de ses agissements. Il avait l'impression de passer tout son temps à lui briser le coeur, à briser ses envies et ses espoirs. Il se rapprocha d'elle, essuyant les larmes qui restaient sur ses joues. Il ignorait si elle allait se laisser faire. « Je t'aime et... » il faisait une pause, essayant de la regarder dans les yeux. « Jamais je ne pourrais laisser autant de distance entre nous pour toujours... » Essaya-t-il de la rassurer. « Emma tu es la seule femme que j'ai aimé, de toute ma vie, tu imagines que je pourrais tout détruire juste à cause de la peur ? » Peut-être était-ce ce qu'il faisait, même si ce n'était pas ce qu'il voulait. Il voulait juste ne pas se précipiter, se sentir bien avant de faire quoi que ce soit. « Je te répète que j'ai juste besoin d'un peu de temps. »

Emma ne savait plus quoi penser, elle venait de comprendre qu'il ne la toucherait plus et même s'il disait le contraire dans le fond c'était la vérité. C'était ce qu'il pensait. Il avait peur et la peur pouvait faire faire des choses atroces aux gens autour de vous. Emma imaginait déjà sa vie loin de Ronan et cela ne lui plaisait pas parce qu'elle l'avait déjà vécu en prison. Du coup elle avait du mal à comprendre pourquoi il avait besoin de temps. Et même si elle le laissa essuyer ses joues elle ne se sentait pas mieux pour autant. Ses doigts étaient brulant et s'en était presque douloureux de le sentir agir ainsi tout en sachant qu'au final il allait l'abandonner.

"- Tu n'as pas déjà eu assez de temps Ronan, quand j'étais en prison, c'était pas suffisant ?"

C'est vrai qu'ils étaient loin à ce moment là. Combien de nuis elle a dormi seule, loin de son époux, loin de sa chaleur et de son amour. Elle ne voulait qu'ils fassent l'amour mais qu'il se montre un minimum affectueux avec elle. Elle avait l'impression qu'en fait rien que de la toucher lui faisait peur, comme si elle pouvait tomber enceinte d'un simple contact ou d'un simple baiser, comme les craintes des enfants parfois.

"- Je comprend tes craintes, j'ai les même mais on trouvera une solution, ensemble. C'est comme ça qu'on s'en sortira, ensemble."

Elle savait qu'elle perdait son temps à lui dire tout ça parce qu'il était têtu et buté parfois et qu'il ne l'entendrait pas, se focalisant sur ses peurs, ses craintes.
Alors, sans aucun certitudes elle fini par lui dire, le coeur gros.

"- Je peux toujours essayer de voir s'il m'est possible de loger chez mes parents, dans mon ancienne chambre."

S'il avait besoin de temps, de distance, c'était peu être mieux d'en mettre réellement entre eux de la distance. Sauf qu'elle savait aussi qu'en agissant ainsi elle abandonnait son fils et sa famille et que ses parents pourraient voir tout ceci d'un mauvais oeil et rien ne lui garantissait qu'ils accepteraient de la loger après ce qu'elle avait fait.

Ronan était capable d'accepter l'idée qu'on ne le comprenne pas, qu'on le trouve ridicule. Pour éviter un enfant, il y avait tout un tas de moyen. Pour se rapprocher de son épouse, un tas d'autres. Néanmoins, il ne pensait qu'à la possibilité d'un accident, même s'ils se protégeaient. Il ne pensait qu'à l'hypothèse où être trop proche de son épouse les pousseraient à aller plus loin. Il savait qu'un baiser en entraînait un autre, qu'un contact en entraînait un autre et qu'ils céderaient facilement. Évidemment, il ne voulait pas que cette situation s'installe, dure. Au contraire, il avait hâte de revivre normalement, autant que possible, même si ce n'était que dans leur intimité, loin des autres. Il essayait de la rassurer, lui essayant ses larmes du bout des doigts, lui assurant qu'il l'aimait et qu'elle était la seule qu'il avait toujours aimé, qu'il ne pourrait pas gâcher tout cela juste à cause de la peur. Pourtant, cela ne semblait pas convaincre son épouse. « C'était différent Emma... Je n'avais pas si peur, je n'avais pas pensé à tout ça... » Lorsqu'elle était en prison, il ne rêvait que d'une chose, la retrouver, la voir libre. Aujourd'hui, elle était devant lui et tout un tas de peurs et de vérités s'imposaient à lui sans qu'il n'ait rien demandé.

Il la fixa de nouveau lorsqu'elle lui avoua qu'elle avait les mêmes craintes. Il n'était donc pas seul ? Alors elle pouvait le comprendre ? Accepter ? Pourtant, elle ne semblait pas. Elle vivait les craintes de son mari différemment. Mieux. Elle voyait les choses autrement dans tous les cas. « C'est déjà ce qu'on fait, non ? Nous sommes ensemble ! Peut-être pas autant que tu le désirerais, mais je suis là, j'essaye... » Il essayait d'être là, de former un nous, mais ça ne semblait pas suffire. Trop froid. Trop distant.

Lorsqu'elle reprit la parole, Ronan sentit de nouveau la mauvaise humeur et la colère l'envahir. Il s'éloigna de nouveau de son épouse. « C'est hors de question ! » commença-t-il, s'emportant certainement trop vite comme bien souvent. Pourtant cette idée, il l'avait eu. Lui aussi avait voulu retourner chez ses parents un temps, pour laisser du temps à Emma lorsqu'il croyait qu'elle ne l'aimait plus, mais là il voyait la chose différemment. « Je te l'interdis ! » poursuivit-il. Il s'imaginait que si elle était loin d'eux, elle les oublierait, elle finirait par préférer cette vie à la leur, loin de son époux changeant et de leur fils. Elle aurait certainement une vie plus facile, plus agréable alors pourquoi revenir ici, dans cet appartement qu'il lui apportait tellement de choses négatives ? Il avait l'impression qu'elle voulait l'abandonner, ne plus essayer. Il se sentait comme un enfant qu'on abandonnait, qu'on laissait seul avec ses problèmes. Et il se disait que ça finirait de détruire leur couple et leur amour, que la fuite n'était pas la solution. « Je ne veux plus qu'on parle de ça. Je fais des efforts Emma, tu ne les vois pas ? J'essaye d'être l'homme que tu as aimé, pas celui que je suis devenu, ce milicien que personne n'aime... J'essaye Emma, j'essaye de te montrer ce que je ressens pour toi, j'essaye d'arranger les choses, j'essaye de nous protéger et tu veux partir ? »

Emma comprenait sans comprendre les réticences de son époux. Il avait eu du temps pour se préparer à son retour et donc du temps pour penser à tout ça, pour se remettre de tout ça. C'était son cas à elle, elle n'avait eu que ça à faire penser, réfléchir, faire son deuil d'un enfant qu'elle n'aura jamais et qu'au fond elle aurait réellement aimé avoir. Cette vie ne lui convenait pas et elle était pressé d'être enfin sur cette nouvelle terre pour peu être avoir une vie meilleure, mais Ronan semblait totalement à l'opposé d'elle et de ses envies. De toute façon il était plus que clair qu'ils ne se comprenaient plus. A croire que le séjour en prison avait aussi beaucoup changé Emma sans qu'elle ne le veuille réellement.
Elle ne répondit rien mais compris bien vite qu'en réalité c'était ses peurs qui le guidait. Ronan ne marchait plus qu'à la peur et ses peurs semblaient plus fortes que tout l'amour qu'il pouvait éprouver pour elle.

Elle lui reprochait d'être trop distant mais il ne semblait pas comprendre. Bien entendu il faisait des efforts mais Emma ne lui demandait pas la lune, pas non plus qu'il lui fasse un enfant juste qu'il soit présent et pas à deux mètres d'elle à chaque fois et surtout pas qu'il l'embrasse quelques secondes pour l'abandonner ensuite à son triste sort. C'était ça qu'elle voulait, qu'il soit là quand ils étaient seuls, qu'il lui donne l'affection dont elle avait besoin pour faire face à toute cette histoire. Qu'avec lui elle réussisse à entrevoir l'avenir, chose que depuis quelques temps elle ne voyait plus du tout. Pareil, elle ne répondit pas non plus puisqu'elle n'était pas d'accord avec lui et qu'elle ne voulait pas que tout dégénère à nouveau.

Malheureusement tout dégénéra à nouveau, elle ne dit pourtant pas grand chose mais visiblement cela le mis à nouveau en colère et à nouveau il lui donna des ordres. Elle faisant même sursauter au début vu le ton qu'il y mis.

"- Non je ne veux pas partir mais je ne peux pas rester si près de toi et être si loin en même temps..."

Il n'allait pas comprendre, ils ne se comprenaient plus, donc difficile d'avoir une conversation mais Emma ajouta parce que pour elle c'était vital, même s'il ne comprenait pas.

"- Je demande juste un peu d'affection quand nous sommes seuls, mais même ça te fait peur. Alors comprend moi, essaye !"

Tout ceci lui faisait mal au coeur, horriblement mal au coeur mais ils devaient arriver à se comprendre. De plus il venait de dire qu'il ne voulait plus parler de ça et avait ajouté une question sur la fin de sa phrase alors elle savait que répondre allait encore empirer les choses mais elle ne pouvait pas rester sans rien dire.

Comme à chaque fois depuis son retour, tout était compliqué pour eux. Ils n'arrivaient pas à faire un pas l'un vers l'autre, à se comprendre et à s'aimer sans crainte. Ronan ne comprenait plus son épouse sur bien des points et Emma ne semblait plus le comprendre sur bien d'autres. Elle ne répondait pas à ce qu'il disait, préférant certainement éviter une nouvelle dispute ou simplement parce qu'elle n'avait rien de plus à dire, il l'ignorait et ne cherchait pas à savoir. A ses yeux, ils étaient ensemble et essayaient de faire face ensemble, même si ce n'était pas toujours simple. Peut-être n'était-elle pas de cet avis ? Après tout, ils ne semblaient plus partager aucun avis en commun. Comment leur couple avait-il pu changer autant ? L'éloignement les avait-il détruit à ce point ? Le manque l'un de l'autre aurait dû avoir l'effet contraire, celui de les souder encore plus, de les rapprocher encore plus. Peut-être avaient-ils trop de secret et de pression ? Ils se sentaient certainement submergés par tout ça et leur couple en payait le prix. Avant de se retrouver eux, peut-être devaient-ils retrouver une vie aussi normale que possible ?

Il essayait de faire des efforts, mais il savait qu'il n'était pas parfait. Il essayait d'être plus proche d'elle, plus tactile, plus tendre, mais ce n'était pas toujours facile de retrouver tout ça après plusieurs mois d'absence. Il essayait de s'emporter moins vite, d'être moins agressif, mais il n'était pas toujours facile de se contrôler. Comme là, lorsqu'elle voulait partir, abandonner leur foyer pour retourner chez ses parents. Il savait que si elle le faisait, l'éloignement briserait pour toujours ce qu'il restait de leur amour et de leur couple. Elle y prendrait goût et revenir serait de plus en plus difficile. Puis comment arranger les choses s'ils étaient loin l'un de l'autre ? « J'essaye de te comprendre Emma, j'essaye ! » Il essayait de faire des efforts pour elle. « Pourquoi proposer ça alors ? Tu dis que tu ne veux pas être loin, que tu ne supportes pas la distance entre nous et tu veux vivre ailleurs, tu crois que les choses s'arrangeront comme ça ? Tu crois que l'on pourra se rapprocher en ne vivant plus au même endroit ? » s'emportait-il, essayant de comprendre tant bien que mal. « Je t'assure Emma que j'essaye de comprendre ta logique, mais je n'y arrive pas ! » Oui l'éloignement arrangeait parfois les choses, mais pas cette fois-ci. « Pourquoi en vouloir toujours plus, pourquoi ne pas se contenter de ce que je peux te donner pour l'instant ? » Il avait une pression supplémentaire, bien sûr qu'il était normal qu'elle fasse part de ses envies et de ses désirs, mais il avait bien conscience de tout cela et aurait aimé en faire plus.

C'était difficile pour elle de garder son calme et se faire à nouveau donner des ordres sans broncher. Elle avait du mal mais elle préférait se taire que d'envenimer les choses encore plus entre eux. C'était compliqué, parce qu'elle comprenait les motivations de Ronan mais pas sa manière de faire. Il disait l'aimer mais n'arrivait pas à se rapprocher d'elle, alors comment ils allaient faire pour faire front et se serrer les coudes s'il restait loin d'elle, s'il ne montrait rien. Emma voulait juste une petite lueur d'espoir pas un baiser passionné pour disparaitre à l'autre bout de la pièce ensuite. Elle se sentait puni en réalité, et c'était difficile à supporter.

"- Je te l'ai dit.. tu n'as pas écouté... tout simplement parce que je ne peux pas être auprès de toi si tu t'éloignes autant quand nous sommes seuls...."

C'était pourtant facile à comprendre, mais pour cela il fallait encore essayer de se mettre à sa place, de comprendre. Emma avait souffert de cet éloignement quand elle était en prison mais elle l'avait accepté parce qu'il était loin d'elle, pas dans la même pièce comme à présent et encore moins dans le même appartement. A ce moment là il ne pouvait venir la voir que de temps en temps et le peu qu'ils se voyaient la rendait heureuse même s'il n'y avait pas de contact physique, mais ici il n'y avait aucune raison pour qu'il soit si distant. C'était un véritable supplice pour elle et visiblement Ronan ne comprenait pas à quel point cela lui faisait mal.

Et à sa dernière question le visage d'Emma se brisa, laissant sortir d'autres larmes dont elle ignorait l'existence elle qui pensait avoir déjà bien assez pleuré. Elle lui dit à nouveau la voix totalement cassée par l'émotion.

"- parce que tu manques terriblement Ronan"

Et s'il ne comprenait pas cela, il ne comprendrait jamais rien. Etre dans la même pièce que lui ne lui suffisait tout simplement pas. Il y avait un manque affectif qu'il ne voulait pas combler.

Ils ne se comprenaient plus. Les discussions n'en finissaient plus. Ils parlaient, mais ne s'écoutaient pas. Ou ils écoutaient, mais ne se comprenaient pas. Pourtant, ils s'aimaient et cela aurait dû suffire, mais ça ne semblait pas être le cas. Ronan ne comprenait pas la proposition d'Emma. Pourquoi partir, le quitter lui et leur fils ? Elle avait pensé à leur fils dans toute cette histoire ? Comment expliquerait-il à Arthur que sa mère l'abandonnait ? Parce que, pour Ronan, il n'y avait pas d'autres mots à ce que voulait faire Emma, c'était un abandon, tout simplement.

Encore une fois, elle lui reprochait de ne pas écouter. Pourtant, il écoutait, mais il ne voyait pas les choses comme elle. Il essayait de la comprendre, mais ça ne fonctionnait pas. Il essayait de voir les choses à sa façon, mais ça ne fonctionnait pas. Ronan n'arrivait pas à comprendre pourquoi être simplement ensemble, dans la même pièce ne suffisait pas ? Pourquoi se parler, discuter, préparer une façon de s'en sortir pour l'avenir ne suffisait pas ? Pourquoi lui dire qu'il l'aimait ne suffisait pas ? Pourquoi la rassurer par des mots ne suffisait pas ? Il l'avait pris dans ses bras, il l'avait embrassé. Peu, peut-être, mais il l'avait fait. « J'écoute Emma, mais je ne comprends pas... Je ne comprends pas comment l'idée d'abandonner ton fils et ton époux puisse résoudre tes problèmes ! » précisa-t-il. Il essayait vraiment, il écoutait vraiment. Alors pourquoi ne pas se contenter de ce qu'il était prêt à offrir dans un premier temps ? Pourquoi en vouloir toujours plus ? Pourquoi toujours précipiter les choses ? Il lui posa la question. Il avait besoin d'une réponse. Il ne s'attendait pas à une telle réaction. Son visage changea, laissant apparaître de la tristesse. Elle se mit à pleurer de nouveau. A croire qu'il n'était bon qu'à ça : crier, donner des ordres et la faire pleurer. Il était réellement devenu tout ce qu'il détestait. Il ignorait comment il devait réagir. Il passa l'une de ses mains sur son front, pour essayer de reprendre son calme. Chaque fois qu'il la voyait pleurer, il se calmait, voulait la prendre dans ses bras, lui essuyer ses larmes. Il avait l'impression de voir leur situation se répéter encore et encore. Ça lui brisait le coeur de la voir si désemparée, sans pouvoir répondre et lui apporter ce dont elle avait besoin. « Je suis là Emma ! » souffla-t-il. « Je suis là... » répéta-t-il en s'approchant d'elle, sans pour autant oser la toucher de nouveau. Elle lui reprochait de s'approcher pour s'éloigner, alors il ne savait plus quoi faire. Peut-être était-ce moins douloureux s'il ne la touchait pas du tout ? Il ne savait plus. Vraiment. « Je ne veux pas que tu sois malheureuse à cause de moi, je ne veux plus que tu pleures à cause de moi... » mais il ne sait plus quoi faire pour que ces situations ne se répètent pas encore et encore. Il avait l'impression de revivre les mêmes choses encore et encore.

Ce n'était pourtant pas difficile de comprendre, Emma avait besoin d'affection, d'une proximité qu'ils n'avaient plus. Elle ne lui demandait pas la lune non plus, donc du coup ça lui paraissait presque plus logique d'être loin au moins comme ça elle savait pourquoi son mari était si distant. Difficile donc de lui faire comprendre son point de vue et Emma n'y parvenait pas sans souffrir de la situation. Elle l'aimait cet homme, elle l'aimait à en crever même et jamais de la vie elle n'avait envisager de le tromper comme elle voulait si bien le faire croire depuis cet incident.

"- Je ne vous aurai pas abandonné... Ronan..."

Difficile pour elle cette situation. Elle qui avait rêvé que son retour à la maison se ferait d'une toute autre manière. Toujours aussi naïve notre petite Emma. Du coup, elle finit par se remettre à pleurer comme une pauvre gamine qu'on ne cessait d'engueuler, de reprocher des choses et Ronan se rapprocha d'elle sans pour autant s'en rapprocher vraiment. Alors Emma vint se blottir contre lui, posant sa tête au creux de son épaule, plaçant ses bras dans son dos pour se serrer contre lui et laisser couler toutes les larmes qui lui faisaient mal à la gorge, mal au coeur et mal à l'âme. Et puis elle lui dit entre deux sanglots

"- Serre moi dans tes bras, je t'en prie, prend moi dans tes bras..."

Ronan changeait d'une minute à l'autre. Il s'énervait et criait. La minute d'après, il s'en voulait de la faire souffrir et voulait la consoler. Il ne savait plus se contrôler, contrôler ses sentiments et sa colère. La situation, plutôt que de s'améliorer, était en train de s'empirer de minute en minute. Tout ce qu'il retenait c'était que sa femme voulait l'abandonner. Elle voulait le quitter, lui et leur fils. Elle prendrait goût à la vie loin de leurs problèmes, il en était certain. Et si elle décidait qu'Arthur devait être auprès d'elle, qu'il se retrouvait seul ? Il ne pourrait le supporter. Il ne pourrait supporter de perdre sa femme et son fils, après tout ce qu'il avait fait. « Quitter notre appartement, ce n'est pas nous abandonner ? » lança-t-il, mauvais. Blessé. Il ne voulait pas lui faire de mal. Il ne voulait plus la voir pleurer, mais en même temps, l'homme blessé qu'il était ne savait contrôler ses mots. Il ne savait pas jusqu'à la voir s'effondrer et pleurer.

A chaque fois il se détestait, se maudissait de ne plus être celui qu'elle avait aimé autrefois. Comme à chaque fois, il s'était approché d'elle, mais cette fois-ci, il ne cherchait même plus à la prendre dans ses bras. Emma lui reprochait ce manque de contact, ou plutôt la distance qu'il imposait à chaque fois qu'ils se rapprochaient, alors il se disait que s'il ne la touchait plus du tout, le situation serait moins difficile à vivre pour elle. Il ne supportait plus de la voir dans cet état. Ils étaient tous les deux détruits par ce que la vie sur l'Arche leur avait offert. Ils étaient tellement détruits, qu'il ignorait si un jour ils pourraient se réparer l'un au contact de l'autre. Pourtant il aimait cette femme. Tellement.

Si lui ne l'avait pas touché, elle vint se blottir contre lui, le serrant si fort. Elle pleurait toujours. Jamais il ne l'avait vu autant pleurer. Comment pouvait-elle dire qu'elle aimait encore un homme qui la faisait tant pleurer ? Tant souffrir ? Lui ne réagissait pas, laissant ses bras le long de son corps, ne cherchant pas, dans un premier temps, à l'enlacer. Mais à sa supplique, il ne pouvait résister. Il voulait qu'elle se calme. Il voulait la rassurer, la consoler comme autrefois. « merde... » souffla-t-il, laissant ses peurs s'envoler une seconde, comme il avait réussi à le faire à quelques reprises aujourd'hui. Il oubliait tout ce qu'il lui avait dit et vint enrouler ses bras autour d'elle, la serrant aussi fort qu'il le pouvait. « Je suis tellement désolé Emma. » sa voix trahissait son émotion et sa peine. On pouvait facilement entendre les sanglots qui restaient coincés là, tout au fond de lui parce qu'entendre son épouse pleurer ainsi et le supplier ainsi, ça lui brisait le coeur. Pourtant, même s'ils s'aimaient, la situation au sein de l'Arche n'allait pas s'améliorer. Il ne pouvait s'empêcher d'y penser, encore et toujours. « Je te jure que je n'ai toujours voulu que te rendre heureuse. » et pourtant c'était totalement loupé. Il l'avait aimé dès qu'il l'avait vu. Il l'avait épousé pour lui éviter les problèmes parce qu'il l'aimait tellement qu'il était passé au-dessus de tous les obstacles. Aujourd'hui, il lui semblait si difficile de franchir de nouveaux obstacles, il était si fatigué.

Emma avait finit par soupirer un peu quand il avait de nouveau haussé la voix. Elle l'aimait cet homme mais ils semblaient vraiment ne plus réussir à communiquer. Tout ça à cause d'une grossesse accidentelle. Si elle avait su que tout se passerait ainsi elle aurait fait bien plus attention ou pire encore elle ne lui aurait rien dit et se serait débrouillé seule pour avorter. Elle s'en voulait terriblement et puis elle en voulait aussi à Ronan de ne pas vouloir comprendre ni même essayer de se mettre à sa place. Alors elle lui répondit simplement.

"- Ca ne serait que temporaire comme pour mon emprisonnement."

Peu être qu'il comprendrait mieux si elle lui faisait la comparaison, après tout elle n'avait pas abandonné son foyer à ce moment là on l'avait simplement obligé à le faire. Et Ronan ne lui en avait pas voulu, à moins bien sur qu'il ait tout gardé pour lui et que les choses ressortent maintenant. Si c'était le cas alors il avait plein de rancoeur envers elle et c'était vraiment surprenant parce qu'elle n'aurait jamais pensé qu'ils puissent en arriver là.
Tout volait en éclat et elle avait beau essayé elle finissait toujours par fondre en larmes. C'était plus fort qu'elle et ce scénario ne cessait de se répéter, s'en était usant même.
Elle se blottit contre lui, le suppliant de la prendre dans ses bras et après un long moment il finit par céder, elle le sentit et l'entendit aussi d'ailleurs. Elle sentait qu'il était aussi faible qu'elle mais que sa putain de fierté l'empêchait de se laisser aller lui aussi. Comme si pleurer ensemble leur était interdit, qu'il fallait que l'un soit plus fort que l'autre et en particulier Ronan. Ils pouvaient bien se laisser aller tous les deux mais c'était trop demander. Emma supposait qu'il ne voulait pas le faire par peur de se rapprocher encore d'elle, vu qu'il avait peur de ça maintenant. Comme s'il était incapable de simplement l'embrasser, la prendre dans ses bras sans forcément finir par lui faire l'amour et prendre le risque de faire un autre enfant. Il avait tellement d'autres façons de se prouver son amour, de se montrer affectueux. Après tout le sexe n'est rien dans un couple si l'on regarde bien, tout le reste importe plus. Ils s'aimaient malgré la distance malgré l'emprisonnement, cela n'avait rien changé, du moins en apparence parce que leur couple était sur la corde raide.

"- C'est pas ta faute mon amour, c'est moi ..."

Seulement Emma n'arrivait plus à parler, accrocher à lui comme si sa vie en dépendait. Elle avait besoin de cette énergie que seul les câlins contre lui pouvait lui apporter. Elle avait besoin de sa force de puiser en lui tout ce qu'elle ne pouvait pas trouver en elle et c'était contre lui qu'elle se ressourçait. Elle resta contre lui le plus longtemps possible, respirant son odeur, laissant couler ses larmes, reprenant des forces malgré le fait qu'en réalité tout ceci l'épuisait.

Emma comparait son idée de partir chez ses parents à son emprisonnement. Selon lui, tout était différent. La prison, elle ne l'avait pas choisi, cela avait été quelque chose d'imposé. Quitter leur chez eux, c'était son choix. Sa décision. Alors, non, vraiment, il n'y avait rien à comparer. « J'ai dit non Emma et je ne veux plus en parler, le sujet est clos ! » Imposa-t-il. Il ignorait si elle y songeait encore, mais pour lui, la discussion s'arrêtait là et la réponse était non. Il ne voulait ni en discuter, ni réfléchir, ni accepter. Il voulait que son épouse soit auprès de lui, même si devant tout le monde, ils ne devaient plus ressembler à un couple. Il se fichait, à un cet instant, de donner l'impression d'être un tyran ou de donner des ordres. Il avait peur de perdre sa femme et ne savait comment agir autrement pour l'éviter.

Finalement, elle vint se blottir contre lui. Aussitôt, il oubliait sa colère, il s'apaisait. Il ne supportait pas d'entendre Emma le supplier ou de la voir malheureuse. Il aurait aimé lui offrir tout ce qu'elle voulait. Une belle vie. Il était tellement loin d'avoir réussi. Au départ, il avait hésité à la serrer contre lui, mais avait finalement cédé, laissant ses craintes s'envoler pour quelques minutes. Il la serrait dans ses bras, profitant de chaque seconde, comme il l'avait fait plus tôt, dans la matinée. Il en oubliait presque la fouille des miliciens. Il en oubliait presque tout ce qui allait mal. Il s'excusait. Encore. Lui jurant qu'il n'avait jamais voulu de tout ça. Il se détestait tellement. Il souffrait. Et encore plus de la faire souffrir elle-aussi. Ronan n'en pouvait plus.

Ils restèrent ainsi longtemps, serrés l'un contre l'autre. Ronan écoutait chaque sanglot de sa compagne, se détestant à chaque fois un peu plus. Il se laissait aller lui-aussi finalement, après s'être retenu, laissant les larmes couler en silence. Pas un bruit, ne s'autorisant pas à pleurer réellement, jugeant qu'il ne le méritait pas. Il ne méritait pas d'avoir le droit de montrer sa peine, il la méritait tellement, il en était le seul responsable. « non... » souffla-t-il. Pourquoi aurait-elle été responsable ? Il était le seul vrai coupable de toute cette histoire. Retirant l'un de ses bras qui entourait Emma pour venir déposer sa main sur la joue de cette dernière, il resta ainsi à l'observer de longues secondes, hésitant. « On va s'en sortir ? » ce n'était pas une affirmation. Ce n'était pas de l'espoir. C'était juste une question. Il ne savait plus. Pouvaient-ils encore s'en sortir ? Même si les autres les jugeaient ? Même si les miliciens s'acharnaient sur eux ? Même si Ronan n'était plus le même homme ? Même s'il ne pouvait plus donner à Emma toute l'affection qu'elle demandait ?

Emma a compris, elle ne prendra pas le risque de relancer le sujet ou de le faire s'énerver encore plus. Elle sait qu'il est en colère qu'il s'énerve sans arrêt sur elle, quoi qu'elle fasse mais elle n'y peut rien s'il n'est pas content, elle a tout de même le droit de s'exprimer, c'est la moindre des choses. C'est sur que Ronan a de quoi être en colère aussi mais ce qu'il ne comprend pas c'est que sa colère n'arrange pas leurs affaires. Ils ne se comprennent absolument plus du tout mais Emma n'est pas du genre à relancer le débat surtout si au final c'est Ronan qui a raison. Ce qu'elle n'apprécie pas c'est sa manière de s'exprimer, de lui ordonner, comme si elle était à ses ordres. Elle ne travaille pas pour lui, elle n'est pas une subordonné, elle ne fait pas parti de la milice et il n'a donc pas d'ordres à lui donner. Elle ne lui en veut pas vraiment, parce qu'elle a compris qu'en réalité c'est la peur qui guide ses paroles, tout ses gestes d'ailleurs.

Elle réussit malgré tout à avoir un câlin, un peu de réconfort même s'il n'est que faible par rapport à ce qu'il pourrait lui donner. Elle se contentera de ce qu'elle peut avoir. Elle a compris aussi qu'il ne faut pas qu'elle réclame plus parce qu'elle n'aura que du mépris et elle pleurera encore et encore. Alors elle se ressource dans ses bras et quand elle sent qu'il lâche lui aussi elle le serre un petit peu plus fort mais ne fait rien d'autre. Elle ne veut pas le braquer.
Ronan finit par reculer son visage et poser sa main sur celui d'Emma, elle le regarde et voit ses joues maculées des larmes qu'il a laissé couler. D'une certaine façon elle est heureuse de savoir qu'il a lâché prise mais en même temps cela lui brise le coeur de voir qu'il pleure à cause d'elle, de la situation. Alors doucement, parce qu'elle a peur qu'il ne la repousse elle pose sa main sur la joue de Ronan et frotte très doucement les traces qu'on laissé les larmes et lui répond.

"- Ca risque d'être difficile, long et compliqué mais on devrait pouvoir s'en sortir si tu ne te braques pas trop."

Elle ne voulait pas lui faire de reproches mais elle voulait qu'il comprenne aussi que pour s'en sortir il fallait être deux à le vouloir et en se braquant et bien il ne faisait rien avancer. Alors elle ajouta malgré tout.

"- Tu ne crois pas ?"

Pour savoir s'il lui aussi pensait qu'ils pourraient y arriver s'ils y mettaient du leur.

Emma et Ronan ne réussissaient pas à se retrouver, à s'aimer comme autrefois. Ils le voulaient, ils essayaient, mais Ronan semblait compliquer les choses. La peur de ce qu'il venait de vivre, d'un recommencement le paralysait totalement. Il se laissait aller malgré tout, la laissant l'enlacer et l'enlaçant à son tour. A chaque fois qu'il la tenait dans ses bras, il se rappelait comme ce contact était précieux, comme il lui faisait du bien. Il se sentait rassuré et apaisé. Il se sentait bien et pourrait presque oublier tous ses problèmes et ses peurs s'il ne se contrôlait pas autant. Lorsqu'il essayait de se contrôler, il était plus susceptible, plus sur les nerfs. Il craignait de ne pas réussir à se contrôler, il craignait de causer de nouveaux problèmes. Et le seul moyen qu'il avait trouvé pour se sortir de tout ça, à chaque fois, c'était de crier, de s'énerver. Il n'avait plus aucune patience.

Apaisé dans les bras de son épouse, il sentit qu'elle le serrait plus fort à mesure où lui se détendait, oubliait ses craintes. Il ignorait combien de temps, ils étaient restés ainsi, l'un dans les bras de l'autre. Ronan avait fini par se reculer légèrement pour déposer sa main sur la joue d'Emma. Il se montrait entièrement à elle, se fichant qu'elle voit qu'il avait pleuré en silence. C'était sa femme, elle l'avait déjà vu pleurer et même s'il n'aimait pas se montrer faible, il l'était. A ce moment précis, il n'était que ça, faiblesse. A son tour, alors qu'ils se regardaient, elle vint poser sa main sur la joue de Ronan, essuyant délicatement les larmes qu'il avait encore sur la joue. Il sentait sa crainte dans son geste, la peur d'être repoussée encore une fois, peut-être ? Mais aussi de la tendresse. Il ferma les yeux une seconde, juste une seconde pour profiter de ce contact. Et il posa sa question. Il aurait préféré en faire une affirmation, une certitude, mais ce n'était qu'une question. Une question pleine de doutes et de craintes. D'incertitudes et de peurs. Il avait peur de l'avenir. Peur de ne pas réussir à surmonter ses craintes un jour, à se libérer de la répression des Supérieurs et des miliciens, peur de ne pas reformer ce couple uni un jour, peur de ne pas réussir à se retrouver et peur de ne pas redevenir l'homme qu'il avait été un jour. Il écouta sa réponse et resta sans réagir quelques secondes. Il ne souhaitait pas s'emporter de nouveau, il gardait son calme. Bien sûr, ça ne lui faisait pas plaisir d'entendre tout cela, mais il savait qu'elle avait raison. Il avait une grande part à jouer s'il voulait pouvoir retrouver son épouse, mais ce n'était pas simple. Il faisait des efforts, mais ce n'était jamais assez. Il en fallait toujours plus, encore et encore. Puiser toujours dans son énergie, ses dernières forces. Il avait toujours un bras autour d'elle, une main sur sa joue. « Je ne sais pas... » lâche-t-il spontanément. Il cherchait dans son regard la force de lui dire la vérité. Pas pour la blesser, lui faire mal ou lui faire peur. Juste pour lui dire la vérité et ses craintes parce que c'est ce qu'un couple faisait. « Je ne sais pas si je réussirai à redevenir l'homme que j'étais, à ne pas m'emporter, à ne plus avoir peur. » Il était sincère. « Je le veux vraiment. Même si on ne peut pas montrer aux autres qu'on s'aime, je veux que l'on puisse se retrouver lorsque nous ne sommes que tous les deux, mais... et si je n'y arrive pas ? » Alors, partirait-elle à force d'attendre, fatiguée de supporter Ronan et ce qu'il était devenu ?

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