Aveux + andy

« A demain. » avait lancé Sybil en déposant un baiser sur la joue de son père. Comme presque chaque jour, elle était venue lui rendre visite, mais cette fois-ci, cette visite était un peu particulière. Le lendemain de la visite du milicien, Sybil avait fouillé son appartement, ne pouvant plus se poser de questions plus longtemps. Elle avait besoin de savoir et d'être rassurée. Sauf qu'elle ne fut pas rassurée. Elle ne fut pas rassurée puisqu'elle avait trouvé d'autres preuves de la culpabilité de son époux. D'autres dossiers cachés derrière l'un des deux seuls meubles de la pièce principale. Elle avait récupéré les dossiers collés à l'arrière du meuble et s'était assise de longues minutes sur l'une des chaises. Devait-elle faire confiance à ce milicien en lui ramenant les dossiers ou devait-elle les cacher ? Cette deuxième solution était tentante, mais elle se rendrait alors coupable de crime contre l'Arche.

Sybil prit alors la décision de tout ramener, peu importe qu'on la croit ou non lorsqu'elle se dirait innocente, elle ne pouvait pas aller contre une loi. Elle s'autorisa simplement à n'y aller que le lendemain, voulant passer une dernière nuit ici, chez elle et voulant rendre visite à son père une dernière fois. Elle ne savait pas si elle serait arrêtée ou pire, alors elle voulait se donner l'autorisation de ces dernières fois.

Après avoir embrassé son père et lui avoir promis de repasser le lendemain, comme toujours, Sybil était sortie de l'appartement. Elle avait infligé cette punition à son époux, elle devait payer à son tour. Les dossiers étaient bien rangés dans le sac qu'elle utilisait pour transporter ses affaires lorsqu'elle travaillait. Elle poussa un long soupir en fermant la porte de cet appartement. Elle imaginait y être allée pour la dernière fois. Tout doucement, elle se dirigeait vers le poste de la milice. Ses jambes étaient si lourdes qu'elle avait l'impression de ne pas avancer. Son coeur battait si vite qu'elle avait l'impression qu'il quitterait sa poitrine d'un instant à l'autre. Il lui semblait ne plus rien entendre de ce qui l'entourait, tant elle se concentrait sur ce qu'elle faisait. Chaque pas était si difficile, mais nécessaire, elle le savait. Elle devait le faire, peu importe ce qui lui arriverait parce que les Résistants étaient une menace, et elle ne pouvait laisser les Résistants gagner. Arrivée enfin devant le poste de milice, elle entra et hésita presque durant une seconde à faire demi-tour, mais un milicien vint à elle avant qu'elle n'ait pu prendre une décision. « Je veux parler à votre chef, c'est urgent ! » On ne discutait pas plus, et on lui demandait d'attendre que le chef de la milice puisse la recevoir. Alors elle s'adossait à un mur, profitant encore de ces quelques minutes durant lesquelles personne ne savait rien.

Sybil avait l'impression que le temps n'en finissait plus. Elle se sentait si mal d'attendre comme ça. Elle essayait alors simplement de profiter de ces quelques minutes où elle n'était encore que la fidèle Sybil, innocente et sans problème. Le milicien revint finalement plus vite que prévu et lui demanda d'entrer. Elle avala difficilement sa salive, son coeur battait plus vite encore à mesure où elle avançait vers le bureau, les dossiers désormais dans les mains, prête à tout donner, tout avouer. C'était difficile, mais c'était aussi son rôle. Elle faisait ça pour l'Arche. Elle avait été dans le même état lorsqu'elle avait dû dénoncer son époux, sachant ce qui lui arriverait, mais elle avait réussi à le faire alors elle allait pouvoir le refaire. Même si cette fois-ci, il s'agissait de mettre sa propre vie en danger.

Elle venait enfin de franchir la porte du bureau du chef de la milice, et elle referma la porte à sa demande. Sans un mot, elle vint ensuite s'asseoir sur la chaise face à Andy, celle qu'il lui avait désigné. Elle hésita un instant, ne sachant ce qu'elle devait dire. Le saluer aurait été absurde, alors Sybil tendit simplement les quelques dossiers qu'elle avait en sa possession. « J'ai fait ce que vous me demandiez, j'ai cherché et j'ai trouvé ça. » Dévouée et loyale à l'Arche, jusqu'au bout. Elle attendit qu'il les prenne avant de reprendre. « Je ne les ai pas ouverts. » cette fois-ci, c'était vrai. Elle n'avait rien regardé du tout, préférant ne plus rien savoir. « Je suppose qu'il est inutile que j'essaye de me défendre ? » ça ne servirait sans doute à rien, alors autant économiser son énergie. « Je dois vous dire aussi que l'autre jour, je vous ai menti. J'ai ouvert les dossiers très rapidement et il y avait bien des emplois du temps, et je crois qu'ils concernaient les Gouverneurs. » Franche jusqu'au bout, elle ne voulait plus rien cacher. Les emplois du temps contenaient des initiales, rien n'était clair, mais en y réfléchissant, tout correspondait aux Gouverneurs, autant le lui avouer. Il ne servait plus à rien pour elle de mentir.

Sybil aurait préféré passer à autre chose. Elle aurait préféré faire son deuil et se reconstruire ensuite, oubliant les trahisons de son époux. Elle aurait préféré ne pas être mêlée à ça, dans le contexte actuel, avec aucun véritable moyen de se défendre. Les Résistants étaient dangereux et les Gouverneurs n'avaient plus aucune pitié pour eux, ni pour ceux qui en étaient juste suspectés. En fournissant des preuves ainsi, on pourrait imaginer que Sybil n'aurait aucun problème, mais on supposerait sans doute qu'elle était prise de remords ou qu'elle essayait de se rendre innocente en redonnant tous ces dossiers. Autant dire que ses chances de s'en sortir étaient proches de zéro. Alors elle avouait tout, préférant rester fidèle à l'Arche jusqu'au bout.

Sybil avait fini par se taire, laissant le milicien parcourir rapidement les dossiers. Puis il se leva. Sybil imaginait déjà être emmenée en salle d'interrogatoire, mais il lui tourna le dos, soupira. Elle était attentive à chaque geste, chaque détail. Elle se concentrait sur tout ça pour éviter de ne trop penser à son angoisse, à sa fin. Elle baissa les yeux une seconde lorsqu'il confirma qu'il était inutile pour elle de se défendre. C'était évident, elle n'en était pas étonnée, juste déçue de ne pas entendre le contraire.

Andy se tourna finalement vers elle, restant debout et s'appuyant sur son bureau. Elle essayait de ne pas baisser les yeux, de soutenir son regard. Elle détestait tellement cette situation où elle se sentait si vulnérable. Elle aimait contrôler sa vie et là, elle ne contrôlait plus rien du tout. Lui faire confiance, encore ? Elle venait de lui faire confiance et cela allait la mener à la prison ou à la mort, alors pourquoi recommencerait-elle, encore ? Pourtant ce qu'il disait... Elle avait l'impression d'avoir encore une chance si elle acceptait de l'écouter. A sa première question, elle secoua la tête, ajoutant simplement un : « non, à personne. » Inutile de mettre des gens au courant. Elle n'aimait pas la seconde question, elle se sentit mal, ne comprenant pas où il voulait en venir, n'aimant pas le ton qu'il employait. « je crains ne plus avoir ce choix depuis que je suis entrée dans ce bureau. » Pourquoi la torturer davantage avec ce genre de questions. Il n'y avait sans doute plus d'issues possibles pour elle, alors il était cruel de lui poser ce genre de questions. Alors elle reprit aussitôt, pour répondre clairement à sa question. « non, je ne veux pas mourir... » souffla-t-elle finalement en baissant les yeux. Qui le voulait ?

Sybil n'appréciait pas du tout cette conversation, elle n'aimait pas du tout ce qui était en train de se passer. Elle avait fait confiance à cet homme, espérant bêtement qu'il pourrait l'aider à ne pas être condamnée à mort. Elle savait bien, dans le fond, qu'il ne pourrait rien y faire et lorsqu'elle était entrée dans ce bureau, à aucun moment elle ne s'était dit qu'elle en ressortirait libre. Elle ne bougea pas lorsqu'il vint se mettre derrière elle, posant ses mains sur le dossier de sa chaise. Elle n'aimait pas ça du tout, elle se sentait impuissante. Elle restait immobile, droite, les yeux droits devant elle, prête à l'écouter après lui avoir dit qu'elle ne voulait pas mourir. Elle ne le voulait pas, mais elle était prête à l'accepter sans rien dire si elle n'avait d'autres choix. Pourquoi restait-il si silencieux ? Elle avait l'impression que le silence durait depuis des heures, tant elle se sentait mal à l'idée de ne pas comprendre la situation.

Il prit enfin la parole après un temps incroyablement long aux yeux de Sybil. Il la tutoyait désormais, mais elle ne relevait pas. Cela semblait avoir bien peu d'importance à ce moment précis. A sa première question, elle se contenta de secouer la tête pour confirmer ses dires, sans dire un seul mot. Elle avait passé sa vie entière à faire attention à ses mots, à ses actes pour ne jamais aller à l'encontre de la moindre règle. Elle avala difficilement sa salive lorsqu'il reprit et elle sentit un frisson la parcourir. Une vie entière à se dévouer à l'Arche ne lui apportait rien aujourd'hui, il avait raison. Elle allait être exécutée, peu importe qu'elle soit innocente ou non. Elle ne répondit pas, cette fois-ci, à la question du milicien, se contentant de baisser les yeux un instant. Si les Gouverneurs étaient aussi impitoyables, sans doute avaient-ils des raisons. Peut-être était-ce le seul moyen de gouverner ? Elle n'avait pas le droit de remettre en doute les décisions des Gouverneurs, elle n'était personne pour le faire.

Elle se tendit davantage lorsqu'elle le sentit bouger pour venir poser ses mains sur ses épaules. Elle n'aimait pas du tout ce rapprochement qu'il se permettait. Elle s'apprêtait à protester, mais aucun mot n'avait réussi à franchir ses lèvres et le chef de la milice reprit, de toute façon, la parole rapidement. Elle n'en revenait pas de ce qu'elle était en train d'entendre. Elle n'en revenait pas de l'entendre défendre les Résistants. Ils voulaient l'égalité ? Sybil n'en avait jamais voulu elle, de l'égalité. Ses parents lui avaient toujours appris que les Inférieurs avaient la place qu'ils méritaient et elle les avait toujours cru. Pourquoi aurait-elle remis en doute les dires de ses parents ? Pourquoi lui dire tout ça, pourquoi lui parler d'un coup d'Etat, pourquoi la mettre dans la confidence ? Pourquoi lui poser cet ultimatum ? Sybil n'en revenait pas ! Le chef de la milice, un Supérieur, appartenait à la Résistance et il lui confiait tout. Et il continuait, lui expliquant les choix qui s'offraient à elle. Elle était pétrifiée, elle ne bougeait pas, se contentant de l'écouter, comprenant peu à peu ce qui était en train de se passer. Il lui offrait deux choix : soit elle mourrait maintenant, soit elle mourrait plus tard en trahissant tout ce en quoi elle croyait. C'était d'une cruauté.

Lorsqu'il eut terminé et qu'il la lâcha, elle resta assise quelques secondes, sans bouger, sans réagir. Puis finalement elle se mit debout pour lui faire face. « C'est une plaisanterie ? Comment osez-vous ? » Hors de question qu'elle le tutoie, qu'elle détruise le peu de distance qu'il y avait encore entre-eux. « Pourquoi me confier tout ça ? Pourquoi à moi ? Pourquoi me faire confiance ? J'ai dénoncé mon propre époux et vous me confiez tout ça ? » Elle criait, ne pensait pas aux miliciens de l'autre côté. Sybil qui gardait si souvent son calme venait de le perdre. « Si je faisais ça, ça voudrait dire que j'ai dénoncé mon mari pour rien... » soufflait-elle plus pour elle-même que pour lui. Elle l'aurait conduit à la mort pour trahir elle-même les gouverneurs peu de temps après. Ça n'avait aucun sens. « Pourquoi vous faîtes ça ? Pourquoi ne pas me laisser être exécutée ? Vous mettez en danger toute la résistance, vous savez que je suis capable de me sacrifier pour tous vous dénoncer ? » Elle était capable de tout pour ses idées, mais elle était aussi influençable et ce qu'il avait dit lui laissait entrevoir une autre vérité. Et elle ne voulait pas mourir, elle voulait connaître, au moins une fois avant de mourir, comment c'était de respirer de l'air pur, de sentir le vent ou le soleil. Tout ce qu'elle faisait, c'était pour préserver l'Arche et arriver à bonne destination. « Si vous ne dites rien, personne ne saura ce que je sais... » Il lui donnait la vie des Résistants entre les mains, il avait celle de Sybil entre les siennes. Si personne ne savait ce qu'elle savait, elle ne serait pas en danger, si ? Et il était le seul à tout savoir. « Vous ne m'offrez aucun choix, peu importe ce que je choisis, l'issue sera la même. J'ai juste le choix entre mourir maintenant et rester loyale ou gagner un peu de temps en devenant une traître... » C'était le seul choix qu'elle avait, elle était prise au piège et quoi qu'il arrive, elle ne s'en sortirait pas.

Sybil n'en revenait pas. Elle n'en revenait pas d'avoir été mise dans la confidence, de voir que le chef de la milice appartenait à ces traîtres. Elle n'en revenait pas d'avoir une chance de s'en sortir, pour l'instant, même si pour cela elle devait devenir, elle-même, une lâche et trahir tout ce en quoi elle avait toujours cru. Elle n'en revenait pas, et elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas le risque qu'il était en train de prendre. Pourquoi lui dire tout ça, à elle ? Elle était si dévouée à l'Arche qu'elle était prête à se sacrifier, qu'elle était prête à sacrifier n'importe qui. Alors pourquoi lui dire, pourquoi prendre ce risque ? En quoi pouvait-elle leur être utile ? C'était d'ailleurs peut-être ça qui l'empêchait de courir prévenir tout le monde, parce qu'elle ne comprenait pas le but de tout ceci et elle était curieuse de l'apprendre, de comprendre. Pourtant, elle ne put s'empêcher de crier, se moquant des miliciens dans la pièce d'à côté. Ils pouvaient rentrer et l'arrêter, quelle importance ? Elle était certaine qu'elle finirait par être exécutée, peu importe son choix. Pourtant personne n'était entré. Peut-être n'avait-elle pas crié assez fort ? Ou peut-être qu'on se fichait bien d'elle, du pourquoi elle criait ? C'était sans doute ça, la véritable raison. Les miliciens étaient des Inférieurs, Sybil était certainement l'une des pires parmi les Supérieurs, alors pourquoi se préoccuperaient-ils d'elle ? Il était dos à elle désormais, il ne la regardait plus. Soudain, elle crut comprendre pourquoi. Pourquoi il pensait pouvoir tout lui confier. « Vous savez que je peux vous dénoncer, mais vous savez que vous ne prenez aucun risque... ou presque. Qui pourrait me croire ? Ma parole contre la vôtre. La mienne vaut sans doute beaucoup moins, surtout que je n'ai aucune preuve ! Il serait sans doute dangereux pour les Gouverneurs de vous condamner, de montrer aux autres que même certains des plus puissants de l'Arche ont rejoint la résistance ? Si je vous dénonçais, je serai sans doute arrêtée, vous avez raison, et je serai même sans doute condamnée, mais pas vous. On pensera que je vous dénonce pour je ne sais quelle raison... et on pensera que je mens ! » elle trouvait son idée tout à fait cohérente. Elle ne voyait pas d'autres raisons à son acte fou. Il pouvait tout dire parce qu'il ne risquait sans doute rien. Et il pouvait récupérer une nouvelle résistante, si elle tenait suffisamment à sa vie pour le faire.

Pourquoi n'était-elle pas déjà partie pour les dénoncer ? Parce qu'elle savait qu'elle risquait plus qu'eux tous. Pourtant, elle aurait dû le faire, elle aurait dû rester loyale jusqu'à la fin. Pourtant si elle mourrait maintenant, elle resterait aux yeux des autres une traître parce qu'elle serait condamnée comme telle, même si elle n'avait jamais rien fait. Il n'y avait aucune bonne solution pour Sybil. Il reprit alors la parole, lui expliquant son plan pour la sauver. « Vous vous trompez ! Nous ne sommes pas tous dans le même bateau ! » Il se trompait, et même si ça n'avait aucune importance, elle voulait lui dire. « Avant de vous suivre, je veux savoir quelque chose. Je ne pourrais jamais croire en toutes vos idées, je ne crois pas que l'Arche ait besoin d'un autre fonctionnement, je ne souhaite nullement l'égalité entre tous les citoyens de l'Arche... » elle était franche et pour l'instant, il lui semblait impossible qu'elle change d'avis un jour. Elle allait lui être redevable et elle n'aimait pas ça. « Que vais-je être obligée de faire ? » Si elle acceptait de rejoindre ces Résistants pour se sauver la vie, qu'allait-elle être obligée de faire pour eux ? Elle trahirait tout ce en quoi elle croyait, elle le savait, mais à quel point ? « Je suis en train de trahir tout ce en quoi je crois, je suis en train de trahir mon père, mon mari est mort pour rien alors j'ai le droit de savoir à quoi je vais vous servir... » et après, ils pourraient cacher ces dossiers et cette fois-ci Sybil deviendrait réellement ce pour quoi elle aurait dû être arrêtée aujourd'hui, même si l'idée la rendait malade.

Sybil faisait part de sa théorie au chef de la milice. S'il pouvait tout confier à Sybil, c'était uniquement parce qu'il ne craignait pas pour sa vie. La parole de Sybil ne valait rien face à celle d'Andy. Elle, directrice de l'école, lui, chef de la milice. Fallait-il vraiment se demander qui les Gouverneurs allaient croire ? Il essayait pourtant de la persuader du contraire. Il essayait de la convaincre qu'il risquait tout autant sa vie. Était-il sérieux ? « Sauf que, quoi qu'il en soit, vous risquez votre vie pour vos idées, par votre faute ! Alors que je risque la mienne par la vôtre, uniquement parce que j'ai fait l'erreur de vous faire confiance comme vous me l'aviez demandé ! » Hors de question qu'il ait le dernier mot. Elle ne risquait sa vie que pour une raison : parce qu'il était venu mettre son nez chez elle, dans ses affaires. Parce qu'il lui avait fait croire qu'elle pouvait lui faire confiance et à aucun moment, elle ne s'était dit qu'il faisait partie de la Résistance et qu'il la forcerait à faire de même en échange de sa vie.

Elle essayait de se sauver. Sans doute avait-elle finalement un instinct de survie plus développé qu'elle ne le pensait ? Sauf que pour se sauver, elle devait accepter d'aider cette Résistance qu'elle méprisait pourtant tellement. Sybil voulait d'abord savoir ce qu'elle serait obligée de faire pour les aider, n'étant pas prête à faire tout et n'importe quoi ! Il reprit la parole, sans lui répondre. Elle ne comprenait pas où il voulait en venir avec cette question. Elle ne prit même pas la peine de répondre, attendant qu'il reprenne de lui-même. Elle n'était pas prête à l'entendre lui faire cette confidence. Elle ne le voulait pas. « Arrêtez ! Arrêtez de me rendre complice de tous vos crimes ! » lâcha-t-elle, se fichant d'avoir quelque chose contre lui. Plus il en disait, plus il la rendait complice. « Vous osez cacher une criminelle ? Vous cachez quelqu'un qui a essayé de détruire l'Arche ? Et vous essayez de me faire croire que vous êtes les gentils dans l'histoire ? » souffla-t-elle. Comment pouvait-il oser ? Elle se rapprocha jusqu'à être devant lui. Hors de question qu'elle ne dise rien, qu'elle ne partage pas son dégoût, qu'elle montre sa peur. « Vous me dégoûtez ! » lui souffla-t-elle au visage. « Vous m'avez manipulé pour que je me dénonce, pour avoir quelque chose contre moi ! » Cet homme la dégoûtait. « Vous avez gagné ! J'espère que vous êtes fier de vous. » lâcha-t-elle en se reculant. Désormais, ils pouvaient aller cacher ces fameux documents, même si elle savait qu'après ça, il ne lui serait plus possible de revenir en arrière, elle serait définitivement une traître et une lâche.

Sybil aurait pu s'attendre à tout, sauf à ça. Jamais elle n'avait imaginé tenir autant à sa vie, au point de trahir tout ce en quoi elle croyait, tout ce pour quoi elle s'était toujours battue. Pourtant, même si elle s'apprêtait à rejoindre l'autre camp, le mauvais, elle ne pouvait s'empêcher d'injurier l'homme face à elle. Il aurait pu la laisser mourir. Il aurait dû. Il n'aurait jamais dû lui proposer une alternative. Elle serait sans doute morte alors, mais morte en restant celle qu'elle était jusqu'au bout. Désormais, elle était une traître et ce uniquement à cause de lui. Il mettait sa vie plus en danger que jamais. Il aurait très bien pu cacher ses dossiers, ne rien dire à personne et ne rien lui demander en échange. Il ne l'avait pas fait. Sybil ne se comprenait pas elle-même. Pourquoi ne pas le dénoncer ? Pourquoi ne pas briser cette Résistance qu'elle méprisait tant ? Lorsqu'elle eut enfin terminé de lui lancer au visage tout ce qu'elle avait sur le coeur, il reprit la parole. Elle lui jeta sans doute le regard le plus noir qui pouvait exister lorsqu'il lui lança que sa patience avait des limites, lui répondant aussitôt : « Votre patience a des limites, sérieusement ? » Elle lui tourna le dos, sourire mauvais sur les lèvres. Il se moquait d'elle ? « Et alors, que pouvez-vous faire si je pousse votre patience à bout ? » demanda-t-elle, en se retournant vers lui, lui montrant qu'elle aussi le tenait désormais alors elle pouvait bien le pousser à bout si elle le voulait. « Vous ne pouvez plus rien contre moi, sauf si vous souhaitez détruire tout ce pour quoi vous vous battez, bien sûr ! » Elle s'était montrée suffisamment faible. Elle essayait de se reprendre et de retrouver son habituel mauvais caractère, de ne plus se laisser faire ou intimider. « Et pourquoi pas ? Pourquoi ne pas la dénoncer ? Vous représentez l'autorité ici, vous êtes censé faire appliquer les lois ! Et vous protégez un monstre ! » Elle ne pouvait pas comprendre. Elle ne comprendrait sans doute jamais. Elle l'observait attraper chapeau et manteau, et elle sentit immédiatement son coeur accélérer. C'était le moment ! Le moment où elle se retrouverait entourée des autres habitants de l'Arche, un mensonge sur la conscience, une trahison. Elle deviendrait alors réellement ce contre quoi elle se battait. « Je suis prête. » souffla-t-elle, plus pour elle que pour lui. « Je ne veux pas la voir ! » Aucun doute sur l'identité de la personne. Elle refusait de parler ou même de juste voir une criminelle. « Je vous suis. » affirma-t-elle en se rapprochant, refusant de sortir la première et d'affronter les autres. Elle s'imaginait sans doute que la trahison se lirait sur son visage.