Personne n'est à l'abri + Andy

Sybil était tranquillement installée sur l'une de ses chaises, des papiers en main. Elle regardait les rapports que lui faisaient les professeurs de temps à autre sur les classes et les élèves. La journée était plutôt tranquille. Depuis qu'elle vivait seule ici, elle avait tendance à rapidement s'ennuyer. Son mari avait été exécuté depuis peu, trop peu pour s'y habituer, trop peu pour l'oublier. Parce que oui, elle espérait qu'un jour elle pourrait l'oublier. Sybil était à l'origine de son exécution, elle l'avait dénoncé et il avait été exécuté. Elle l'aimait pourtant, peut-être pas comme l'on aimait normalement son époux, mais elle aimait sa compagnie. Mais lorsqu'elle avait appris ce qu'il faisait, elle n'avait pu le cacher, elle n'avait pu le garder pour elle. Avant d'être fidèle à son mariage, elle était fidèle à l'Arche parce qu'on lui avait appris que la vie ici, c'était ainsi. L'Arche avant la famille, l'amour ou les amis. Peut-être n'aurait-elle pas fait le même choix si elle avait eu un enfant avec cet homme ? S'il avait été un père en plus d'être un époux ?

Lorsqu'elle aurait terminé avec son travail, elle imaginait ensuite se rendre à la bibliothèque pour emprunter un nouveau livre avant de, peut-être, se promener dans le parc de l'Arche. Ses plans furent néanmoins contrariés rapidement lorsque quelqu'un toqua à sa porte, sans la moindre délicatesse. Elle l'ouvrit rapidement et reconnut immédiatement l'homme qui était devant, accompagné par des miliciens. C'était un Supérieur, le chef des miliciens. Que lui voulait-il ? Elle n'avait certainement rien fait contre l'Arche, elle faisait sans doute partie des plus loyaux. Avant de lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, elle demanda : « Vous voulez ? » elle supposait qu'il ne s'agissait pas d'une simple visite de courtoisie, après tout ils ne viendraient pas si nombreux pour rien du tout. Et même si elle n'avait rien à se reprocher, l'idée que ces miliciens viennent frapper chez elle l'inquiétait parce qu'elle n'avait aucune idée du pourquoi.

« Je sais qui vous êtes ! » siffla-t-elle, agacée de le voir perdre du temps comme ça. Elle voulait connaître la raison précise de sa visite, elle n'avait nullement besoin de présentations. Enfin, il en vint tout de même rapidement aux raisons de sa visite. Etait-ce une plaisanterie ? Elle hésitait grandement entre être choquée ou être agacée par ce qu'elle entendait. Elle, Sybil, celle qui avait dénoncé son époux, était accusée ou suspectée plutôt d'appartenir à la résistance ? Elle ne put s'empêcher de lâcher un rire agacé. D'autant plus qu'il n'oubliait pas de préciser qu'il lui était interdit de refuser la fouille, sans recevoir en retour une sanction. C'était la meilleure !

Elle trouvait normal de fouiller les appartements des Inférieurs, mais pourquoi perdre du temps à fouiller ceux des Supérieurs loyaux à l'Arche ? N'avaient-ils pas suffisamment de travail ? Elle se décala donc pour les laisser passer. « Vous n'avez pas suffisamment de travail en fouillant les appartements des Inférieurs ? Vous vous ennuyez tellement pour vous en prendre aux citoyens les plus loyaux ? » Comment être plus loyale qu'elle ne l'avait été jusqu'à présent ? Etait-ce sa seule récompense ? « Faîtes comme chez vous, fouillez où vous voulez, je n'ai rien à cacher ! Je suis fidèle à l'Arche ! » Lâcha-t-elle, agacée d'être dérangée pendant son travail. « Faîtes juste attention à ne rien casser, si ce n'est pas trop vous demander bien sûr ! » Elle avait un sale caractère et elle ne s'en cachait pas, peu importe qu'elle ait face à elle un supérieur, chef de la milice. Qu'ils fouillent, il n'y avait rien à trouver de toutes façons. Et qu'il lui pose ses questions, elle n'avait rien à cacher.

Il était plus que rare de voir Sybil perdre son calme. Pourtant, elle commençait à le perdre dès l'arrivé du milicien. D'une part, elle était occupée, d'autre part elle hallucinait par la raison de sa visite. Peut-être était-elle plus sur les nerfs qu'en temps normal. Beaucoup imaginaient que Sybil n'était absolument pas touchée par la disparition de son époux, mais ce n'était pas vrai. Elle ne l'aimait plus comme on aime un mari, mais elle avait de l'affection pour lui et elle l'aimait différemment, mais elle l'aimait. Elle avait été touchée par sa disparition, affectée. Elle ne le montrait juste pas, le pleurant en silence et en secret. Elle ne pouvait définitivement pas pleurer un traitre ouvertement. Pas elle. Alors oui, tous ces éléments réunis faisait que Sybil si calme d'habitude, bien que toujours froide et directe, était en train de le perdre.

Le milicien, lui, gardait son calme, cherchant à la calmer par quelques mots. Pas de distinction entre les Supérieurs ? Pourquoi fouiller les Supérieurs de toutes façons ? Hormis quelques fous, les Résistants ne devaient pas se cacher ici. Malgré tout, puisqu'elle n'avait pas le choix, elle le laissa entrer, l'écoutant raconter ce qu'il racontait sans doute à chaque citoyen Supérieur de l'Arche. Elle l'espérait bien, ne pas être dérangée longtemps. Traiter les loyaux Supérieurs de cette façon, elle n'était pas certaine que l'idée soit bonne. Certains, comme elle, le prendraient certainement très mal. Alors elle ne put s'empêcher une remarque encore, qui cette fois fut moins bien reçue par le Supérieur qui répliqua aussitôt, durement. Il n'en fallait pas plus pour la remettre à sa place et la faire se taire. La seule idée d'aller à l'encontre d'une loi, de commettre un délit, peu importe son importance, suffisait à la calmer. Ses parents lui avaient toujours appris qu'il n'y avait rien de plus important que l'Arche et ses lois, qu'elle devait les respecter en toutes circonstances. Elle n'était que cette chose fabriquée par cette Arche, obéissante aveugle, influençable. Alors elle se contenta de croiser les bras et de baisser les yeux. Elle allait la fermer, il avait gagné. « Rien du tout ! » souffla-t-elle. « Je ne cache rien, je ne fréquente personne qui puisse appartenir à la Résistance. Fouillez où vous voulez, posez les questions que vous voulez, je suis loyale à cette Arche. » affirma-t-elle calmement. Elle, elle n'avait rien à cacher. Et elle était désormais seule ici, alors il ne devait plus rien y avoir. « Mon époux était un traitre, je suppose que vous le savez déjà, mais je n'ai jamais participé à ce qu'il faisait, j'ignore même tout de ce qu'il a pu faire, il ne s'est jamais confié à moi. Ni sur ses actions, ni sur ses fréquentations. » se justifia-t-elle, croyant bêtement qu'elle était peut-être suspectée pour cela. Peut-être attendait-il qu'elle donne une information, un nom ? mais elle avait déjà tout dit aux miliciens lorsqu'elle était allée le dénoncer, alors il lui semblait qu'il perdait son temps et qu'il y avait plus important à faire.

Sybil n'avait rien à se reprocher. Elle essayait toujours de respecter, à la lettre, toutes les instructions données par le Gouvernement. Alors, Andy pouvait bien fouiller où il le voulait, ça ne lui apporterait rien du tout, juste du temps de perdu. Elle le lui expliqua d'ailleurs, après s'être calmée, de crainte qu'il ne l'arrête pour outrage. Elle précisa également que son mari était un traitre, qu'il avait été arrêté, mais qu'elle n'avait aucun lien avec ce qu'il faisait. Elle se disait que, peut-être, il cherchait des informations à ce propos, peut-être essayait-il de lui faire avouer des choses qu'elle n'aurait pas avoué ? Elle fut surprise par sa question, dans un premier temps. En quoi cela pouvait faire avancer l'enquête ? « Proche ? » répéta-t-elle bêtement, sans attendre de réponse. « Si c'est votre question, je l'aimais. Je ne savais pas qu'il participait à tout ça, j'ignorais qu'il avait ces idées en tête. Nous étions proches, mais apparemment pas au point de me faire confiance sur ça. » enfin, elle l'aimait à sa façon, elle avait de la tendresse pour lui, il avait été plus un meilleur ami qu'un époux ces derniers temps, mais elle l'aimait. Bien qu'elle ne comprenait pas l'importance de cette information. « Je pleure l'homme que j'ai aimé autrefois, pas le traitre qu'il était devenu. Je sais que j'ai fait ce qu'il fallait pour protéger l'Arche. Alors j'avance, je continue comme autrefois, l'Arche passe avant tout le reste. Et si j'avais le choix, je referais exactement la même chose. » Etait-ce vraiment ses questions, ou ne les comprenait-elle pas ? Attendait-il une autre réponse de sa part ? Elle craignait clairement de donner les mauvaises réponses et que ces dernières soient mal interprétées. « O'Connor, Aydan O'Connor. » Elle n'avait pas repris son nom de naissance après l'exécution de son époux. Elle ne voulait pas l'effacer totalement de sa vie, contrairement à ce qu'elle voulait faire croire et se faire croire à elle-même.

Elle fut de nouveau surprise par la suite. Finalement, elle aurait le privilège d'échapper à la fouille, mais pas aux questions. Évidemment. La première question commençait mal, elle la mettait mal à l'aise, elle était forte devant tout le monde, mais revivre ce moment n'avait rien d'agréable. Contrairement à ce que beaucoup avaient pensé, elle n'avait pris aucun plaisir à dénoncer son propre mari. « Vous n'avez pas accès aux dossiers ? » Bien sûr qu'il y avait accès, alors peut-être voulait-il la faire se contredire pour prouver sa culpabilité ? « Très bien, » souffla-t-elle, avant de reprendre. « Depuis quelques semaines, je le trouvais étrange. Différent. Il sortait plus souvent d'ici, sans dire où il se rendait, il semblait souvent ailleurs et il était sur les nerfs. Il pouvait disparaître des heures. Alors je lui ai demandé ce qu'il faisait. Il m'a juré qu'il travaillait juste beaucoup. L'arrivée sur la Nouvelle Terre approchait, il aidait à préparer cette arrivée au mieux avec tous les autres. » commença-t-elle, essayant de se souvenir de chaque détail. « Je l'ai suivi et je l'ai vu parler avec des Inférieurs, je l'ai vu donner des dossiers. Vous savez ces dossiers confidentiels ? » Ils étaient différents des autres dossiers, un symbole apposé sur la face pour confirmer leur confidentialité. « Alors, je suis rentrée et j'ai fouillé partout ici. Il avait caché dans la deuxième chambre, que nous n'utilisions pas, des dossiers. Il y avait tout un tas de documents, certains recopiés à la main, avec des annotations. Il y avait des plans de l'Arche, des dossiers concernant l'arrivée sur la Nouvelle Terre, des archives de décisions prises, des plans de fonctionnement sur les différents systèmes de l'Arche. Alors j'ai pris tous ces dossiers et je suis immédiatement aller voir la milice. Il a avoué fournir des informations, mais il ne voulait pas faire partie de ces mouvements. Il a simplement voulu les aider, il devait leur donner ça et c'était tout. Il ne devait participer à aucune action directe. » En avait-il assez de ces explications ? « Je vous jure que je ne sais rien de ce qu'il y avait dans ces dossiers, je n'ai rien lu... » Et si c'était ça le vrai problème ? Si le Gouvernement s'était rendu compte trop tard qu'il y avait des choses compromettantes dans ces dossiers, des choses qu'elle ne devait pas savoir ? « C'est tout ce que j'ai dit... Je crois... » Elle espérait n'avoir rien oublié d'essentiel, aucun détail.

Sybil parlait. Andy notait. Elle aurait donné n'importe quoi pour pouvoir lire ce qu'il était en train d'inscrire. En quoi sa relation avec son mari avait une quelconque importance puisqu'il ne lui avait jamais rien dit sur son rôle dans la Résistance ? Le Supérieur notait et appuyait si fort qu'il en cassa la mine de son crayon. Il semblait comme nerveux et Sybil ne comprenait absolument pas pourquoi. Lorsqu'il lui demanda un autre crayon, elle ne discuta pas, trop concentrée à bien se comporter. « tenez. » Lâcha-t-elle en lui tendant un crayon, après avoir contourné le milicien pour prendre un crayon posé dans l'un des rangements de l'appartement. Elle n'avait, en réalité, qu'une hâte : que tout ça se termine. C'était étrange, elle n'avait rien à se reprocher, elle était persuadée que le Gouvernement agissait toujours pour le bien de tous, mais elle était malgré tout mal à l'aise, nerveuse. Bien différente de la Sybil du début de la conversation. « Pardon ? » Lâcha-t-elle, surprise de la question. Cherchait-il à lui faire avouer quelque chose ? A la déstabiliser ? Elle ne comprenait pas ! Elle croisa les bras, les resserrant contre elle comme pour marquer la distance entre cet homme et elle et cacher son malaise. « C'est si indiscret comme question ! » Osa-t-elle répondre, avant de reprendre : « Pour quelle raison, vous vous mariez vous ? » En réalité, des raisons, il y en avait des tas, mais elle n'appréciait pas que l'on entre dans son intimité comme ça. « Je l'ai toujours connu, je l'aimais, je partageais ses idées et il fallait bien que j'épouse quelqu'un, non ? » A vrai dire, elle était tellement gênée qu'elle ne savait quoi répondre. Avait-il d'autres questions si indiscrètes ?

Elle dût ensuite lui raconter ce qu'elle avait déjà raconté aux miliciens lors de l'arrestation de son époux. Un autre moment difficile pour elle, mais le milicien s'en fichait certainement. Elle écouta alors attentivement la question du milicien et prit le temps d'y réfléchir une seconde. Elle n'avait pas regardé en détail les dossiers, mais elle les avait ouvert rapidement pour voir s'ils étaient importants ou non. Alors en effet, elle avait vu des emplois du temps, sans les lire en détail ou sans chercher à les comprendre. Pourtant, elle se disait que si elle avouait, il prendrait certainement ça pour un aveu. Il croirait alors qu'elle avait peut-être appris des choses qu'elle ne devait pas savoir. La situation la rendait un peu parano, certainement. Pourtant, pour la première fois, elle allait mentir volontairement à un milicien et elle ignorait si elle allait être convaincante ou non, elle n'était tellement pas fière de le faire. « Non, je n'ai vu aucun emploi du temps ! » Convaincante ou non, elle le saurait d'ici une seconde ou deux. « Je n'ai vu aucun visage, j'ai vu ces gens de dos, je ne sais rien d'eux. C'était dans les couloirs des Inférieurs, près de la laverie je crois. » Elle se sentait si mal, prise au piège, avec cette sensation qu'on essayait de l'associer aux crimes de son époux, qu'elle ne savait plus. « Non... » Souffla-t-elle. c'était plus un murmure qu'une réponse en réalité. Si son mari avait caché d'autres choses et qu'elles étaient encore là, la loyauté de Sybil serait certainement remise en cause. Comment savoir si ces preuves n'étaient pas à elle, cette fois-ci ? « Je ne sais pas, je ne crois pas... » lâcha-t-elle, avant de reprendre. « Si c'est le cas, je risque quelque chose ? Que va-t-il se passer pour moi ? » Ce n'était peut-être pas la bonne question, mais elle avait clairement besoin d'entendre la réponse.

Sybil semblait enfin tranquille. Le milicien semblait décidé à ne plus lui poser de questions indiscrètes sur sa vie privée. Elle n'aimait pas répondre à ce genre de questions, pourtant elle l'avait fait parce qu'elle devait faire ce qu'on lui demandait avant de penser à ce qu'elle aimait ou non. Elle fut néanmoins soulagée de ne plus avoir à répondre à ce genre de questions, d'autant plus qu'elle n'en comprenait absolument pas le but. En quoi ces questions pouvaient-elles aider à la compréhension de l'enquête en cours ? Non, vraiment, elle ne trouvait pas.

Si elle fut soulagée dans un premier temps, elle comprit rapidement que la deuxième partie des questions n'était pas plus amusante. Elle se sentait prise au piège. Elle, la fidèle Sybil, si loyale, elle avait l'impression d'être considérée comme une potentielle traitre, comme tous les autres. L'Arche était pourtant juste. Les punis le méritaient toujours, non ? Elle venait d'en douter, juste l'espace d'une seconde avant de se reprendre. Pourtant, elle se sentait si mal qu'elle mentait. Elle craignait pour sa vie. Si les documents de son époux étaient si confidentiels qu'il était dangereux pour elle d'avoir pris connaissance, même juste un minimum, du contenu ? Et si les Supérieurs s'étaient rendus compte de leurs erreurs en la laissant partir, après qu'elle ait eu ces documents en main ? Sybil comprit très rapidement que son mensonge n'était pas passé. Il n'eut besoin de rien dire, il lui avait suffit de lire dans son regard. Il en disait tellement long. Pourtant, il ne releva pas et, encore une fois, elle ne comprit pas pourquoi. Pourquoi ne pas lui dire clairement qu'elle venait de mentir ? Sa parole contre celle d'Andy, il n'y avait aucun doute sur l'issue pourtant. Alors Sybil se contenta de baisser les yeux, mauvais réflexe, sans dire un mot de plus. Elle attendit juste les autres questions pour y répondre aussi franchement que possible cette fois-ci. Elle était morte de peur à l'idée d'être punie à son tour, elle qui avait toujours tout fait pour respecter toutes les règles de l'Arche. Au fond d'elle, une petite partie bien cachée savait très bien que tout n'était pas toujours juste ici et que les sanctions étaient souvent données sans réelles preuves. Si on retrouvait des choses compromettantes ici, alors elle serait sans doute accusée. Qui l'écouterait lorsqu'elle dirait que ce n'était pas à elle, mais à son époux ? « Plaider en ma faveur ? » répéta-t-elle. C'était tout ce à quoi elle aurait le droit ? Quelques mots gentils de la part du chef des miliciens ? « J'aurai la chance de finir ma vie en prison plutôt qu'être condamnée à mort, c'est ce que vous essayez de me dire ? » Peut-être s'inquiétait-elle de trop, mais elle connaissait la sanction réservée aux traitres et elle était même d'accord avec. Alors elle se demandait si c'était une bonne chose pour elle de fouiller. Sans doute pas, en priant pour que personne d'autre ne trouve quoi que ce soit avant elle. Elle essayait de rester droite et fière, comme elle l'était généralement, elle essayait de ne pas montrer qu'elle avait peur bien que c'était évident et elle reprit. Dernière question ou non, elle ne pouvait plus être rassurée désormais. Elle avait compris que loyale ou non, elle était en danger, comme tous. Elle n'avait plus qu'à espérer que les Gouverneurs envers qui elle avait toute confiance soient aussi bons qu'elle l'imaginait. « Non. Si j'observais la moindre chose, j'en parlerai aussitôt, évidemment. » Elle avait dénoncé son époux, elle n'éprouverait aucune difficulté à dénoncer un ami ou voisin. « Je la connaissais très peu. Nous avions déjà échangé quelques mots, mais c'était tout. » Comme elle en échangeait souvent avec d'autres Supérieurs, rien qui puisse la lier à elle. « Vous imaginez réellement que quelqu'un puisse être assez fou pour la cacher ? » demanda-t-elle, curieuse.

Sybil ne s'était jamais sentie prise au piège comme ce jour-là. Elle savait que quoi qu'il se passerait, elle allait devoir faire des choix difficiles. Lorsqu'elle avait dénoncé son mari, elle s'était imaginée que l'histoire s'arrêterait là. Sauf que l'appartement n'avait pas été fouillé, alors peut-être d'autres choses étaient-elles cachées ? Et si elle trouvait d'autres documents, devait-elle les déposer ? Son mari avait tout avoué la première fois, assurant que Sybil n'était au courant de rien. Cette fois-ci, même si elle ramenait les documents, la croiraient-ils ? Peut-être se diront-ils simplement que prise de remords, elle se rendait sans avouer clairement ses crimes ? Alors que les cacher la rendait réellement complice d'un crime. Le milicien la sortit de ses pensées, lui répétant clairement que si elle trouvait quelque chose, elle devait les apporter et lui faire confiance. Plus facile à dire qu'à faire. Elle ne répondit rien, évitant soigneusement son regard. Il ne semblait, de toute façon, attendre aucune réponse. Il savait qu'elle avait menti pour les emplois du temps, elle était fichue quoi qu'il arrive, sans doute. Elle n'eut plus le temps d'y penser qu'il reprit la parole lui posant des questions sur sa relation avec la fugitive. Elle y répondit franchement, osant demander s'il pouvait réellement exister un fou prêt à la cacher ? Il sembla surpris par cette question et ne répondit pas immédiatement. Sybil était bien trop perturbée pour interpréter ça d'une quelconque manière. Sa réponse fut étonnante, elle s'imaginait déjà l'entendre dire qu'en effet, il fallait être bien fou pour désobéir aux lois de l'Arche, mais ce ne fut pas le cas. « Il existe une autre raison que la folie pour cacher et protéger quelqu'un prêt à détruire notre unique maison ? » osa-t-elle rétorquer. « J'espère que vous la retrouverez, elle et son complice, et qu'ils payeront pour ce qu'ils ont fait. » S'attaquer à l'Arche, pour Sybil, c'était comme s'attaquer au reste de l'humanité et la menacer. Alors oui, elle espérait qu'ils payeraient tous très cher.

Sybil trouvait fou de protéger une fugitive qui s'en était pris à l'Arche, qui les avait mis en danger. Elle ne reviendrait jamais sur cette idée. Le chef de la milice ne semblait pas d'accord avec elle, alors elle essaya d'obtenir un avis plus détaillé. Elle voulait savoir ce qui pouvait justifier cela selon lui parce qu'à ses yeux, il n'existait aucune bonne réponse. Sauf qu'il coupa court à la conversation, la remettant clairement à sa place. Il n'était pas ici pour discuter avec elle, mais pour faire son travail. Alors une fois de plus, elle n'insista pas et arrêta de parler. Il était inutile de faire la conversation à quelqu'un qui ne le voulait pas. Elle l'avait bien compris. Sa visite touchait de toute façon à sa fin, il la remercia d'avoir coopéré et n'oublia surtout pas de lui rappeler qu'elle devait le recontacter aussitôt si elle trouvait des preuves de la culpabilité de son époux. Lui se fichait s'en doute pas mal qu'elle en paye le prix puisque son mari n'était plus là pour avouer, tout ce qu'il voulait c'était des résultats pour faire son travail. Le reste lui importait sans doute bien peu. Elle ne lui adressa plus un seul mot, ne le saluant pas. Il n'attendait de toute façon aucune réponse, avant de quitter l'appartement. Sybil était désormais seule face à ses doutes et à ce qu'elle devait faire.