Des mensonges, encore ? + Emma

Entre Emma et Ronan, les choses s'étaient légèrement améliorées depuis la veille et la fouille des miliciens chez eux. Ils avaient ouvert leur coeur. Ronan avait fait part de ses craintes. Emma avait fait part de ses envies. Le couple avait toujours beaucoup de mal à se comprendre et ils ignoraient comment allait être leur futur. Ronan craignait de ne jamais pouvoir changer et redevenir l'homme qu'il avait été autrefois. Il essayait, il en avait besoin, mais il ne réussissait pas. C'était compliqué, trop de choses s'accumulaient depuis quelques mois.

A l'heure du déjeuner, après être passé chez lui pour dormir quelques heures, Ronan s'était dirigé vers le réfectoire. Avec Emma, ils faisaient en sorte de ne pas sortir et se rendre aux mêmes endroits aux mêmes heures. Emma se rendait donc la première aux cuisines pour déjeuner, puis c'était au tour de Ronan. Leur fils allait avec l'un ou l'autre, selon l'heure à laquelle il était à la maison.

Cette fois-ci, il s'était retrouvé à côté d'un voisin qui lui avait parlé de son couple. A plusieurs reprises, il lui avait demandé d'arrêter parce qu'il ne voulait pas en parler, mais ce dernier semblait s'en moquer. Le pire fut quand ce dernier expliqua qu'une Supérieure avait rendu visite à Emma deux jours auparavant et que cela avait duré un moment. Ronan fixa longuement son voisin avant de se mettre debout, ne terminant pas son repas. Des Supérieurs qui venaient les voir, il n'y en avait pas des tonnes. Il s'agissait forcément de Fantine. Sans perdre une minute, Ronan s'était précipité vers leur appartement. Comment avait-elle pu lui cacher ça ? Elle lui avait promis de ne pas lui parler, promis de ne pas s'approcher d'elle, mais elle avait menti, elle lui avait caché. Il aurait peut-être été préférable qu'il se calme avant d'aller voir Emma, mais il ne put se retenir. Elle les mettait en danger et il ne pouvait le supporter. Il avait promis de faire des efforts et de garder son calme, mais cette fois-ci, impossible d'ignorer son mensonge.

Il était rapidement arrivé chez lui, ouvrant et refermant la porte aussitôt. Emma était là, dans la pièce principale. Ronan ne pensait même pas à leur fils qui était peut-être là, il ne posait même pas la question. « Tu te moques de moi Emma ? Tu comptes me mentir et nous mettre en danger encore longtemps ? » A elle de comprendre, il ne comptait pas en dire plus. A croire que leur couple ne serait que ça désormais : engueulades et réconciliations. Ils allaient avoir certainement besoin de beaucoup de temps pour retrouver une vie normale, mettre les choses au point.

Ronan s'était précipité vers leur appartement, sans perdre une minute. Il espérait trouver sa femme, espérait qu'elle n'était pas déjà repartie travailler. A dire vrai, il ne savait pas l'heure exacte qu'il était. Heureusement, lorsqu'il avait franchi la porte, Emma était là, assise sur le canapé, en train de lire. Si elle n'avait pas été là, il aurait certainement été capable d'aller la trouver à la bibliothèque, trop en colère pour se contenir.

Il n'attendit pas un mot de sa part, une fois la porte franchie et refermée brutalement, il s'adressa à elle sans donner plus d'explications. Elle avait sursauté, ne s'attendant certainement pas à voir son mari rentrer dans cet état à cette heure-ci. Emma ne semblait pas non plus comprendre pourquoi il était dans cet état. Comment pouvait-elle ne pas comprendre ? Il s'agaçait. Il n'avait nullement envie de partir dans de longues discussions, de longues explications. Il n'avait plus envie de se disputer avec elle, mais là, il ne pouvait pas se retenir. Sa peur était revenue plus forte encore. Il était mort de trouille à l'idée de ce qui avait pu être dit dans cet appartement entre Fantine et Emma. Comment avait-elle pu cacher cela à son mari ? Elle lui avait pourtant promis de ne pas le faire. Mais surtout, comment avait-elle pu lui mentir, lui cacher ? « Tu n'aurais pas oublié de me parler de quelque chose d'important ? » souffla-t-il, énervé, en gardant bien ses distances. « C'est plus facile de me reprocher mon comportement, que de m'avouer la vérité, Emma ? » Il devenait mauvais, comme il avait pu l'être par le passé, juste après avoir dénoncé son meilleur ami. Il était cet autre homme, plus le Ronan qu'il promettait de redevenir. « Pourquoi Fantine était ici avant hier ? » Demanda-t-il clairement. A son ton, il était clair qu'il ne voulait pas d'excuses, il voulait des informations, des explications claires et précises, rien de plus.

Ronan attend des réponses, des explications. Il veut savoir très précisément ce qui s'est dit dans cette pièce entre Emma et Fantine. Ronan avait pourtant été très clair, avait prévenu son épouse : il ne fallait surtout pas parler avec Fantine. Cette dernière avait été très claire lorsqu'ils avaient discuté. Elle allait le détruire. Elle comptait lui faire vivre un enfer, le pousser à bout. Quel meilleur moyen pour cela que de s'en prendre à sa famille ? Ou de recueillir des informations, innocemment, auprès d'Emma. Fantine savait. Elle savait leur mensonge et elle pouvait utiliser le moindre des mots d'Emma contre eux, contre lui.

Emma s'était mise debout, mais gardait ses distances. Il n'avait de toute façon aucune envie de l'avoir près de lui. Il était bien trop en colère pour cela. Il imaginait déjà Fantine préparer de quoi le détruire lentement grâce à  ce qu'Emma aurait pu dire. Les mots d'Emma glacèrent le sang de Ronan. Fantine n'était venue que pour prévenir de ses prochaines actions. Elle souhaitait certainement lui faire peur, lui montrer que rien ne pouvait l'arrêter en venant les menacer ici, chez eux.

Les yeux de Ronan ne pouvaient quitter sa femme. Il était tellement en colère qu'elle lui ait menti. Pour lui, lui mentir revenait à les mettre en danger. S'il n'était pas au courant de cette discussion, comment pouvait-il se protéger de Fantine ? « Je n'ai pas envie d'entendre tes excuses ! Tu n'en as aucune ! » cracha-t-il. Il ne voulait ni de ses désolées, ni du pourquoi elle avait été obligée de la laisser entrer. Tout ça, il s'en fichait et puis, ça ne changerait plus rien. « Elle ne s'en prendra pas à Arthur ? Et tu la crois ? » souffla-t-il en tournant le dos à sa femme, ne supportant plus ces disputes. « Si elle veut me détruire, elle s'en prendra à Arthur et à toi, d'une façon ou d'une autre ! » Parce qu'il ne tenait à rien d'autre sur cette maudite arche. « Je ne comprends pas comment tu as pu me mentir, me cacher quelque chose d'aussi important... » Lâcha-t-il en se retournant vers elle. Elle avait beau avoir ses excuses, il ne comprenait pas. « J'espère que tu ne lui as rien dit, que tu n'as rien laissé paraître qui puisse me nuire, Emma... Je ne ferai plus rien pour me défendre si elle m'attaque... » confia-t-il, toujours aussi en colère. Il ne dénoncerait plus pour se sauver, il ne lutterait plus. A ce moment précis, il était persuadé qu'il ne réagirait plus si elle l'attaquait, le mettait en danger ou le dénonçait pour quoi que ce soit.

Ronan perdait patience. Il n'arrivait pas à se reprendre, à se contrôler, à se calmer. Il était trop en colère. Il ignorait tout de ce qui s'était dit dans cette pièce et du danger qu'ils pouvaient éventuellement courir désormais. Il ne répondit rien lorsqu'elle jugea que Ronan ne lui accordait jamais aucune excuse. Le regard qu'il lui lançait suffisait pour toute réponse. Elle n'avait, en effet, aucune excuse cette fois-ci, selon lui. Il était énervé, hors de lui, pour réfléchir normalement et pour voir les choses clairement. Il ne supportait pas d'avoir appris tout cela par un voisin et pas par sa femme.

Elle lui mentait, elle acceptait Fantine chez eux, elle les mettait en danger. C'était tout ce que Ronan voyait : le danger. Ronan ne savait plus si Emma avait conscience du danger qui les entourait. Il ne savait plus quoi penser d'elle et de ce qu'elle avait fait. Elle lui affirma qu'elle ne croyait pas Fantine. C'était encore une chance. Fantine était une femme blessée, trahie, brisée. Elle était en colère et avait juré de se venger. Elle le ferait quoi qu'elle soit obligée de faire pour cela. Pour atteindre Ronan, il n'y avait pas plus simple solution que de s'en prendre à sa femme ou à son fils. Alors elle finirait par le faire si cela est nécessaire.

Il l'écoutait raconter les raisons qui avaient poussées Fantine à venir, mis à part menacer Ronan. Il hésita longuement avant de lui répondre. « Elle n'est pas la seule coupable, Emma ! » Claqua-t-il, reprenant aussitôt. « Je l'ai dénoncé pour nous protéger, je l'ai trahi ! Elle nous faisait confiance, elle nous a confié son secret et je l'ai trahi, pour toi, pour nous ! » Bien sûr qu'elle avait le choix, mais Fantine ne semblait pas vouloir le prendre. Si Ronan ne l'avait pas dénoncé, elle ne se serait pas retrouvée dans cette situation. Bien sûr, elle avait trahi l'Arche et ses lois, et elle était la seule responsable de ça, mais ça ne changerait rien au reste. « Jamais, je n'aurais dû la dénoncer... » C'était la première fois qu'il exprimait clairement ce regret. Il ne regrettait pas d'avoir voulu sauver sa famille, pour ça, il recommencerait encore et encore s'il le fallait. Mais il regrettait la façon dont les choses avaient tourné. Il regrettait de s'être mis Fantine à dos et de l'avoir trahi. Même si à ce moment-là, il n'avait pas vu d'autres solutions et il savait qu'il recommencerait s'il se retrouvait dans la même situation.

Ils étaient plus en danger encore, maintenant avec Fantine prête à tout pour se venger. Emma se rapprocha de lui, mais il se recula aussitôt, ne la voulant pas près de lui. « Non.. » souffla-t-il, pour lui montrer qu'il ne voulait pas qu'elle s'approche. Pas maintenant. « Je ne veux pas que tu t'occupes de tout ça ! N'interviens plus ! » Il refusait qu'elle se mette en danger inutilement. « Elle gagnera quoi qu'il arrive contre nous. » il le savait, contre elle, il n'avait rien. « Tu n'as pas imaginé une seule seconde qu'elle avait pu nous dénoncé comme résistants ? Tu n'as pas imaginé qu'elle avait pu commencer à s'attaquer à nous ? Même avec ça, tu n'as pas pensé à me dire la vérité et à me parler de la visite de Fantine, il te fallait quoi de plus ? » Après tout, il ne savait pas pourquoi ils avaient été fouillés. Il y avait plusieurs raisons possible, peut-être que Fantine avait émis l'idée que les Crawley appartenait à un réseau de résistance, ça plus leur dossier, autant dire qu'il n'en fallait pas plus pour les suspecter. Peut-être se trompait-il, il n'en savait rien. Il n'avait plus confiance en personne, à ses yeux, chaque membre de cette Arche pouvait être un danger.

Ronan se sentait coupable depuis si longtemps. Autrefois, il était si fidèle à l'Arche et ses règles. Il avait toujours fait tout ce qu'on lui demandait, respecté chaque ordre, même les pires. Le jour où il avait dû arrêter son meilleur ami parce qu'il avait volé des médicaments, il avait ressenti cette culpabilité si forte qu'elle l'avait changé. Puis il avait dû dénoncer Fantine pour se protéger. Devant Fantine, il ne disait rien, se défendait et se montrait fort. Pourtant, il ressentait également de la culpabilité de l'avoir dénoncé. D'avoir trahi sa confiance. Elle avait certainement eu tort de se confier à Ronan, un milicien. C'était ce qu'il avait essayé de lui faire comprendre. « Toi aussi tu as cherché les ennuis autrefois ! Elle a aimé un Inférieur comme tu as aimé un Supérieur ! Tu as même fait naître un enfant de cette relation et pourtant, tu ne l'as pas payé ! Je t'ai protégé... » Cette situation et la peur faisaient ressortir tout ce qu'il y avait de plus mauvais en Ronan. Il en venait à lui rappeler qu'elle avait été aussi coupable que Fantine, si ce n'est pire, alors qu'auparavant il ne lui en avait jamais fait le reproche. C'était différent, bien sûr. Emma il l'avait toujours aimé, même lorsqu'elle lui avait appris qu'elle en aimait un autre et qu'elle en était enceinte, c'était pour cette raison qu'il l'avait protégé. Fantine n'était qu'une amie. Mais leur faute était la même. Alors peut-être que Ronan n'aurait pas pu protéger Fantine, mais il aurait aimé ne pas avoir à la dénoncer lui-même.

Il refusait qu'elle s'approche de lui et le lui fit comprendre clairement. Elle recula. Il continuait à l'accuser, lui demandant pourquoi ne pas lui en avoir parlé après la visite des miliciens ? N'avait-elle pas pu imaginer que Fantine en était à l'origine ? Lui-même n'en savait rien, mais l'idée ne lui avait pas effleuré l'esprit ? A sa réponse, il soupira. Et lorsqu'elle se remit à pleurer, affirmant que quoi qu'elle faisait, c'était mal, il soupira de nouveau, les poings se serrant pour contrôler sa colère, se retournant pour ne plus la voir. Il savait qu'il était plus faible lorsqu'il la voyait pleurer. « Que veux-tu que je te dise ? Je n'y suis pour rien si tu m'as menti, si tu as laissé cette femme entrer chez moi alors que je te l'avais interdit... A t'écouter, tu n'es jamais responsable de rien : ce bébé, Fantine, tes mensonges... Tu ne m’apitoieras pas avec tes pleurs cette fois-ci ! » Il s'enfonçait, restait mauvais comme jamais. Il lui reprochait de nouveau ce bébé comme si elle avait été la seule responsable. Ce n'était plus lui qui parlait, mais la peur et la colère.

Ronan n'était clairement plus lui-même. Il se sentait cerné de toutes parts, coincé entre tous ces mensonges. Il ne comprenait pas comment Emma avait pu lui mentir sur une chose si importante. Et il se demandait sur quoi d'autre elle était capable de lui mentir. Il en devenait méchant, mauvais. Il perdait le contrôle de lui-même, ne contrôlait même plus ce qu'il disait. Au fond de lui, il savait bien qu'il allait trop loin et qu'il était affreux, c'était pour cela qu'il n'ajouta rien lorsqu'elle lui demanda de se taire. Il continuait néanmoins. Il ne pouvait pas s'arrêter, submerger par toutes ces émotions négatives, beaucoup trop fortes pour lui.

Elle pleurait de nouveau. Ronan ne supportait jamais de la voir pleurer, pour l'éviter alors il se retourna et affirma qu'elle ne réussira pas à l'apitoyer une fois encore avec ces larmes. C'était affreux de lui dire ça, comme si elle se servait de ça pour le calmer et lui faire oublier. Elle pleurait parce qu'elle était malheureuse et ça, il le savait, mais il était trop en colère pour ne pas être blessant ou méchant. C'était l'homme qu'il était devenu, celui qu'il détestait et qu'il regrettera avoir été dans une heure ou deux, lorsque la colère serait redescendue. « J'ai le droit de te reprocher ce que je veux ! » Commença-t-il en haussant le ton une fois encore. « et je t'interdis de parler d'Arthur pour dire de telles horreurs ! » Il aimait cet enfant, qu'il ne soit pas de son sang ne changeait rien. Oui, il venait de lui reprocher d'avoir couché avec un Supérieur et d'avoir eu Arthur avec ce dernier, mais jamais il n'aurait préféré qu'elle mette fin à cette grossesse.

A ses mots, ses nerfs lâchèrent de nouveau, mais il n'eut pas le temps de réagir qu'elle avait déjà quitté la pièce. La colère était telle qu'il frappa dans la porte d'entrée. Les voisins allaient être ravis de cette scène de ménage encore, de quoi alimenter un peu plus les ragots et les rumeurs. Il ne resta pas là sans rien faire et rejoignit son épouse. « Arrête de fuir à chaque fois que je te parle parce que la vérité ne te plaît pas, Emma ! » Il n'était pas calmé, loin de là et, à ses yeux, la conversation était loin d'être termineé.

Plus que toutes les autres fois, ils ne se comprenaient plus. Leur couple était réellement en danger. Ils avaient été plus touchés qu'il ne le pensait. Ils étaient détruits et ne réussissaient pas à se reconstruire. Ils se faisaient du mal, plus qu'ils ne se faisaient du bien. « Tu es certainement plus coupable que je ne le suis ! » siffla-t-il, la colère au ventre. Il avait besoin de trouver un moyen pour moins culpabiliser, mais il n'avait pas trouvé le bon. Jamais il ne s'en était pris comme ça à son épouse auparavant. Il savait qu'il n'était plus lui-même et qu'il aurait été préférable qu'il se calme avant de discuter avec Emma. Mais il n'avait pas pu se retenir, se raisonner.

Emma quitta la pièce, certainement trop en colère pour continuer la conversation. Sauf que ronan n'avait pas fini et ne supportait pas de la voir fuir à chaque fois. A ses yeux, c'est ce que c'était : elle fuyait. Alors il l'avait rattrapé, lui demandant d'arrêter de fuir. Elle reprit la parole et ce que Ronan entendait ne lui plaisait pas du tout. Elle le menaçait clairement de le quitter après lui avoir hurlé dessus qu'elle était coupable. Elle s'était positionnée devant lui, fixait son regard et ne le lâchait plus. Il ne répondit pas de suite, essayant, pour une fois, de contrôler son impulsivité. Il ne voulait rien dire qui puisse la braquer complétement et la faire fuir pour de bon. « Notre séparation ? » répéta-t-il, froid. « Tu n'as pas le droit de faire ça... » elle parlait sans cesse de l'abandonner. « Emma, si tu pars, il n'y aura pas d'autres chances... Si tu pars, tu ne reviendras pas, je ne te laisserai pas revenir... » parce qu'il était fatigué de se battre pour le moment, fatigué de lutter contre tout. C'était à elle seule de décider de l'avenir de leur couple, à elle de réfléchir et de prendre la bonne décision, celle qu'elle ne regretterait pas.

Ronan et Emma allaient trop loin, chacun de leur côté. Ronan ne savait pas comment se sortir de cette situation. La seule chose qu'il était capable de faire, c'était s'enfoncer davantage en voulant s'en sortir. « Je croyais que tu m'aimais ? Peu importe celui que j'étais devenu... » N'était-ce pas ce qu'elle lui avait dit ? Qu'elle l'aimait, même s'il n'était plus le même. Elle lui avait juré qu'il n'était pas un monstre et qu'elle l'aimerait toujours. Pourtant, encore une fois elle voulait le quitter. Cette fois-ci, il ne la retenait pas comme il avait déjà pu le faire. Il se contentait de lui dire que si elle prenait cette décision, il n'y aurait aucun retour en arrière possible. Si elle partait, il ne la laisserait pas revenir. Pas pour la punir ou lui faire mal, simplement parce qu'il serait trop blessé et qu'il n'aurait plus la force de recommencer. Il aimait cette femme plus que quiconque et était prêt à tout pour elle. Sauf qu'il était si en colère qu'il en oubliait les réelles conséquences.

Ses yeux se perdaient dans les siens et son coeur se brisait à chacun de ses mots. Il avait l'impression que chaque mot prononcé par Emma était un couteau qu'on venait lui planter en plein coeur. Il avait toujours craint ce moment, celui où elle partirait. La veille encore, il lui avait interdit de parler de son départ. Sa colère était toujours présente, mais sa peur et sa peine prenaient le dessus. Il avait toujours cru que leur amour était plus fort que tout. « Si tu pars, tu pars sans Arthur ! Je ne te laisserai pas me prendre mon fils ! » Il refusait de tout perdre. Il refusait d'être privé de cet enfant. Seul il n'y arriverait pas, il ne s'en sortirait pas. Il avait besoin de son fils autant qu'il avait besoin d'Emma, même si cette dernière semblait lui échapper. « Ne me met pas ça sur le dos, Emma. Ne me rend pas responsable. » souffla-t-il. Il ne criait plus. Il gardait sa colère au fond de lui. « Tu as le choix ! C'est toi qui prends cette décision ! C'est toi qui prends la décision de nous abandonner Arthur et moi... Je me demande si ce n'est pas ce que tu souhaites depuis ton retour. Après tout, tu ne fais que ça de parler de ton départ... » Ce n'était plus des reproches, juste des constatations. « Si tu ne rentres pas ce soir Emma, n'espère plus rentrer du tout. Tu me perdras... pour toujours. » souffla-t-il. Ronan ne criait plus, il se sentait si mal, si faible. Il ne quittait pas ses yeux, il cherchait le moindre signe de faiblesse. Elle ne pouvait pas être sérieuse, elle ne pouvait pas s'apprêter à faire ça. Il avait toujours tout fait pour cette femme. Elle avait été la seule qu'il avait aimé, il l'avait protégé de bien des façons. Il avait été affreux bien des fois depuis des mois, mais il n'avait pas besoin d'être abandonné à son sort, il avait besoin d'aide et d'amour, rien de plus. Il n'avait jamais imaginé sa vie sans Emma et n'était même pas certain d'en être capable. Le temps, lorsqu'elle était en prison, avait déjà été un tel calvaire qu'il n'imaginait pas si la situation était définitive, combien de temps il tiendrait.

Ronan était perdu. Il ne savait plus comment réagir face à Emma. Il était toujours en colère. Il ne supportait pas l'idée qu'elle lui cache des choses, mais ça passait après sa crainte qu'elle l'abandonne. Il l'aimait tellement. Il n'imaginait pas pouvoir supporter la vie sur cette Arche, sans elle. Il ne voulait pas la voir vivre loin de lui, être heureuse loin de lui. Lui, il savait que jamais il ne pourrait être heureux loin d'elle. Il n'avait même pas envie d'essayer. Fantine avait décidé de le détruire. Ses collègues n'avaient plus que du mépris pour lui. Il n'était plus respecté par personne. Alors si sa femme partait. Qu'allait-il lui rester ? Une vie remplie de douleurs et de culpabilités ? Autant dire qu'il ne lui resterait rien. Emma avait toujours été sa force, celle qui l'aidait à avancer, à survivre. Sans elle, il ne serait pas capable de survivre à la seule vie qu'on leur offrait ici. Bien sûr, ces derniers temps le couple allait mal. Ils se disputaient énormément, ne se comprenaient plus, mais il n'avait jamais imaginé que ça irait jusque là. Il se disait qu'ils avaient besoin de temps pour réapprendre à vivre ensemble. « Tu es désolée de ne plus m'aimer suffisamment ? » Il ne comprenait pas. Ne voulait pas comprendre plutôt. Etait-elle désolée d'avoir voulu le quitter ? Ou simplement de le quitter ? De lui avoir menti en jurant que leur amour suffisait, même si Ronan n'était plus le même homme ? Ronan n'avait jamais eu si peu envie d'entendre une réponse sortir de la bouche de sa femme tant il savait que cette réponse déterminerait leur futur.

Elle continue, elle semble sûre d'elle. Ronan espérait tellement être dans un mauvais rêve. Elle parlait de lui prendre Arthur, cette idée le détruisait un peu plus encore. Elle ne lui prendrait pas son fils. Si elle voulait partir, elle partirait, mais jamais il ne la laisserait le séparer d'Arthur. Il ne souhaitait pas la punir ou la priver de son fils, mais il ne voulait pas être abandonné de toute sa famille.

Ronan ne réagissait pas aux larmes de son épouse. Que pouvait-il faire ? Il n'allait pas la consoler alors qu'elle était en train de le quitter. Lui-même se sentait dépassé, submergé par toutes ces émotions. Il ne pleurait pas, mais il n'était pas difficile de comprendre que les larmes n'étaient pas loin. Certaines réussissent même à franchir les barrières lorsqu'elle lui souffle qu'ils se sont déjà perdus. Il restait là, à la fixer silencieusement. Que devait-il faire ? Il s'était déjà dit qu'il la laisserait partir si cela pouvait la rendre heureuse, se fichant de son bonheur à lui. Maintenant qu'il le vivait, il ne se sentait plus si fort. « Ne dis pas ça... Notre vie est compliquée, mais ce n'est pas une raison pour abandonner. » souffle-t-il. « Emma, je t'en supplie, ne les laisse pas gagner, ne les laisse pas détruire notre famille... » Il la suppliait, laissant toute fierté de côté. Fantine était en train de gagner. Ronan avait ses responsabilités aussi, évidemment, mais il avait l'impression que Fantine et l'Arche étaient en train de gagner. « Je t'en prie Emma, réfléchis. » supplia-t-il encore. « Je t'aime et je veux que tu sois heureuse... » commença-t-il. « si tu décides de partir, on ne pourra plus revenir en arrière... » Insista-t-il une dernière fois.

Ronan voulait savoir si elle l'aimait encore. Elle lui avait dit pourtant. Elle lui avait répété. Pourtant Ronan se sentait abandonné. Il la voyait s'éloigner, lui échapper. Tout ça parce qu'il avait haussé le ton et qu'il lui avait reproché des choses ? Il était allé trop loin, il le savait. Il était encore trop en colère pour s'excuser ou l'assumer, voilà tout. Il n'avait pas supporté qu'Emma oublie de lui dire une chose aussi importante, aussi dangereuse qu'une visite de la femme qui avait juré de le détruire. Emma n'osa même pas lui répondre, du moins pas de vive voix. Il devait se contenter d'une réponse qu'il ne comprenait même pas. Que voulait dire ce non ? Non, elle ne l'aimait plus ? Non, ce n'était pas ça ? Son esprit était bien trop ailleurs, bien trop perturbé, pour qu'il puisse comprendre.

Il ne savait plus où il en était. Il voulait que son épouse reste auprès de lui. Il ne voulait pas voir sa famille voler en éclats, se détruire. Aux mots d'Emma, Ronan n'avait pu que baisser les yeux. Il ne se rendait pas toujours compte de l'homme qu'il était devenu, celui qui reprochait tout tout le temps. L'Arche l'avait transformé peu à peu, sans qu'il ne s'en rende vraiment compte. Et aujourd'hui, il ne réussissait plus à redevenir lui-même. Pour cela, encore aurait-il fallu qu'il puisse se guérir. Il avait tant de problèmes à régler en lui, tant d'émotions qu'il ne savait contrôler. Il avait besoin de rejeter ses fautes sur les autres, de s'en débarrasser pour ne pas sombrer, déjà écrasé sous le poids de toute sa culpabilité et de ses peurs. « Tu te trompes Emma. Ce sont eux. » lâcha-t-il, persuadé de ce qu'il disait. « Eux qui m'ont fait changé en cet homme que tu n'aimes pas, eux qui nous ont obligé à faire des choix difficiles, eux qui t'ont enfermé... » se justifia-t-il. S'il n'avait pas été obligé d'arrêter son meilleur ami, de perdre ce bébé, de supporter l'absence de sa femme emprisonnée, de dénoncer Fantine pour s'assurer qu'ils échapperaient à la peine de mort, de devoir mentir en permanence pour se protéger, de devoir supporter l'humiliation de voir son appartement fouillé par ses collègues, de lire le mépris et la honte dans les yeux de ses proches, de supporter la haine de Fantine... Ils auraient été heureux. Les événements s'enchaînaient sans qu'ils n'aient le temps de les accepter. Il se laissait aller en ne réussissant pas à retenir quelques larmes. Peu importe après tout, elle pleurait elle-aussi. Il était en train d'être quitté par sa femme, alors il avait bien le droit d'être malheureux. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas que non, Ronan ne réussirait pas à revenir en arrière. Il ne le pourrait pas simplement parce que sans elle, il n'aurait pas la force de continuer, de faire des efforts pour ne pas sombrer totalement. Elle semblait se foutre des supplications de son époux. Et même si la responsabilité lui revenait presqu'entièrement, Ronan avait le coeur brisé. Il se sentait si mal, il ressentait une telle douleur dans la poitrine comme jamais il n'aurait cru pouvoir ressentir un jour. « non... » Non, ils ne le pourraient plus. Elle ne devait pas compter là-dessus, elle devait le comprendre. « Emma, ne fais pas de bêtises, ne fais rien que l'on regrettera tous les deux » commença-t-il difficilement, l'incitant à rentrer. « Tu es la seule à pouvoir décider de notre avenir, Emma. Toi, pas moi. » elle l'avait rendu responsable de leur séparation, mais elle était en réalité la seule à prendre la décision finale, même s'il avait des torts dans les raisons les ayant poussés à se séparer. « Je t'attendrai, ce soir... » souffla-t-il, avant de la laisser partir travailler. il savait que les prochaines heures seraient sans doute les pires de toute sa vie. Attendre pour avoir le verdict final, il ignorait s'il en avait la force. Et il savait aussi que quoi qu'Emma décide, leur vie ne serait sans doute plus jamais la même après tous ces événements. Lui qui avait toujours été persuadé que rien ne pourrait jamais les séparer, qu'ils étaient si forts lorsqu'ils étaient tous les deux, prêts à tout l'un pour l'autre. Il n'était pas facile d'accepter qu'il s'était trompé.

Emma semblait décidée. Elle semblait persuadée que partir était la meilleure solution pour sauver leur couple et leur avenir. Lui était persuadé du contraire. Il était persuadé que si elle partait, elle s'habituerait à cette nouvelle vie loin de lui. Elle se sentirait libéré du poids que semblait représenter Ronan et se sentirait plus heureuse. Dans ce cas, pourquoi, ensuite, rentrerait-elle chez eux ? Non, il était persuadé que partir marquerait la fin définitive de leur histoire. Lui-même ignorait si, un jour, il pourrait être capable d'accepter son retour. Pas par manque d'amour. Il l'aimait, c'était certain et ne cesserait certainement jamais de l'aimer. Il ignorait juste s'il était capable un jour de la retrouver, de recommencer, de pardonner. Ronan savait qu'il était loin d'être parfait. Il savait qu'il faisait beaucoup d'erreurs. Il savait qu'il n'était plus quelqu'un de bien. Chaque jour, il y pensait. Chaque jour, il essayait d'être un homme meilleur pour son épouse et son fils. C'était difficile. Mais une chose était certaine pour lui, sans sa femme pour le soutenir et l'aider, il ne verrait plus aucune utilité à essayer, à continuer. Elle lui était vital sur cette Arche. Elle était sa force et la seule personne pour qui il avait envie de continuer.

Leur conversation tournait court. Ronan aurait aimé avoir le temps de lui parler encore, de la convaincre, de laisser le temps à la colère de retomber et disparaître complètement pour s'excuser. Emma devait partir travailler et elle avait raison, elle ne devait pas arriver en retard. Ils étaient déjà suffisamment mal vu pour en plus se permettre de prendre du retard dans leur travail. Alors Ronan en profitait une dernière fois pour la supplier, pour lui demander de prendre la meilleure décision pour eux deux. Une rupture aurait forcément des conséquences pour eux. Aux yeux de Ronan, elle serait forcément définitive. Il ne voyait pas ça comme une pause, lui. La décision lui revenait entièrement. Si elle décidait de partir, il ne lui courrait pas après. Il n'irait pas la rechercher ou essayer de la reconquérir, de se faire pardonner. Parce que dans le fond, il la comprenait. Il comprenait son besoin de souffler, de respirer, de chercher à tout prix à aller mieux. Il voulait qu'Emma soit heureuse, mais l'idée qu'elle le soit loin de lui était douloureuse, difficile à accepter.

Ronan n'osait même pas regarder son épouse quitter cette pièce. Il préférait lui tourner le dos. Il ignorait si elle traverser cette chambre, cet appartement pour la dernière fois ou non. Il l'attendrait. Il prenait son service tard aujourd'hui, une chance. Alors il l'attendrait tout l'après-midi, il attendrait qu'elle franchisse à nouveau les portes de cet appartement. L'après-midi loin de sa famille lui semblait être une éternité. Son fils était absent, sa femme était absente. Son minuscule appartement lui semblait, tout à coup, immense. Il était seul avec sa solitude et sa peine. Il s'était allongé dans leur lit, se laissant aller un long moment, d'abord à pleurer puis à essayer de se calmer. Lorsqu'Arthur rentra, il n'avait pas cherché à justifier la peine qui se lisait sur son visage, ni la colère. Il n'avait d'ailleurs pas vraiment cherché à discuter avec son fils. Ils étaient restés chacun de leur côté jusqu'à l'heure du repas. Arthur pourrait-il comprendre si Emma ne rentrait pas ? Comment Ronan devrait justifier tout cela ? Devait-il lui dire la vérité ? Les questions se bousculaient comme tout le reste. Ronan avait ensuite accompagné, tôt, son fils pour leur dîner. Il préférait se rendre au premier service, il savait au moins qu'Emma ne serait pas là, travaillant encore.

Le repas terminé, de retour chez eux, Arthur restait silencieux. Il avait certainement compris que quelque chose n'allait pas. A ses yeux, ses parents ne se parlaient déjà plus, ne s'entendaient déjà plus. Ils n'avaient plus de famille que le nom. Ce soir, d'ici peu, peut-être même ne l'aurait-il même plus. Si Emma ne franchissait pas cette porte, leur famille n'existerait plus. Elle ne serait plus que le souvenir du passé. Et si elle franchissait cette porte, qu'arriverait-il ? Pourraient-ils se relever après tout ça ? N'était-ce pas la fois de trop, l'éloignement de trop ? Il lui semblait difficile d'imaginer la vie à côté d'une femme qui l'avait presque quitté, sans y penser sans cesse. L'après-midi lui avait permis de comprendre une chose, dans leur situation, il ne semblait pas y avoir de bonnes solutions.

Il fut pourtant soulagé lorsqu'Emma rentra. Allongé dans le canapé, il ne se releva pas immédiatement, mais sentit son esprit se libérer d'un poids. Un parmi tant d'autres. Se relevant doucement, il les vit s'enlacer alors il les laissa, ne dit rien. Tout ce à quoi il pensait, c'est qu'il ne pouvait pas les séparer. Il n'était pas cet homme là, capable de faire souffrir sa femme et son fils en les empêchant de se voir si elle devait partir. Lui aussi aurait le coeur brisé si son fils devait s'en aller, mais malgré tout ce qu'Emma pouvait lui reprocher, il pensait à elle, il s'en rendait compte. « Arthur, va dans ta chambre s'il te plaît. » Souffla Ronan en se relevant, après les avoir laissé un moment tranquille. Il attendit que son fils fasse ce qu'il lui avait demandé, avant de reprendre, n'osant regarder sa femme dans les yeux. « Tu es rentrée ou... ou tu es venue chercher tes affaires ? » Il se devait de lui poser cette question, mais la présence de leur fils dans la pièce d'à côté aurait certainement l'effet de les empêcher de crier.

Après avoir laissé du temps à Emma et Arthur, Ronan s'était levé pour demander à leur fils de retourner dans sa chambre. Arthur connaissait la situation entre ses parents. Ou plutôt, il croyait que ses parents étaient en froid à cause de la tromperie d'Emma. Au final, même si Emma n'avait rien fait, ils ne s'entendaient tellement plus que la situation semblait être la même. Sans un mot, leur fils était parti se réfugier dans sa chambre. Sa présence éviterait peut-être au couple de trop élever la voix. Ronan ne perdit pas de temps, une fois seuls, il demanda à sa femme si elle était de retour pour de bon ou uniquement pour récupérer quelques affaires. S'il s'était senti soulagé en l'entendant rentrer, sa réponse fit ressortir toute l'angoisse de cette éventuelle séparation. Elle ne le regardait même pas, n'affrontait même pas son regard. Ronan n'eut le temps de rien répondre qu'Emma se dirigea vers leur chambre. Leur chambre qu'ils ne partageaient plus depuis si longtemps.  

Une fois entré, Ronan referma la porte derrière lui et fit face à sa femme. Il ne savait quoi dire et il n'eut pas à réfléchir longtemps puisqu'Emma prit la parole la première. Il comprenait à quel point il avait pu lui faire du mal, mais il n'avait pas réfléchi, effrayé par l'idée que Fantine avait été ici, seule avec sa femme et qu'elle avait pu recueillir n'importe quelles informations. « Je n'aurais jamais dû te reprocher cette relation avec ce Supérieur... Ou la naissance d'Arthur. Je suis désolé... » avoua-t-il en baissant les yeux. De ça, il était sincèrement désolé. C'était une chose sur laquelle il n'avait jamais rien dit, au contraire. Jamais il ne l'avait jugé lorsqu'elle était venue lui avouer la situation à l'époque. Il l'avait écouté, comprise et avait essayé de trouver une solution pour elle. Aujourd'hui, il lui reprochait cette erreur. Il avait juste voulu lui faire comprendre que pour Fantine aussi, il ne s'agissait sans doute que d'une erreur, mais il s'y était mal pris.

Il n'y avait sans doute pas que cela qui l'avait blessé, mais il ne pensait qu'à ça sur l'instant. « Je sais que j'ai été affreux, je le sais... » commença-t-il. « mais essaye d'imaginer ce que j'ai ressenti quand j'ai appris par un voisin que tu avais vu Fantine ! C'est tellement important que je n'ai pas compris comment tu avais pu ne pas m'en parler ! » se justifia-t-il. « Emma, tu dois me pardonner, je suis incapable de vivre sans toi... » Lui aussi avait du mal à imaginer sa vie à ses côtés, après qu'elle ait voulu le quitter. Il vivrait sans doute toujours avec cette crainte qu'elle puisse partir à n'importe quel moment ou qu'elle pouvait lui mentir sur des choses si importantes. Pourtant, il ne voulait pas en rester là. Il ne comprenait pas comment leur famille pouvait se détruire pour si peu, après avoir affronté tant.

Ronan était fatigué de cette vie et de ces disputes. Il était fatigué de se battre en permanence, fatigué de lutter. Il aurait aimé avoir une vie tranquille auprès de sa femme et son fils. Il aurait aimé avoir une vie sans mensonge, sans peine et sans culpabilité. Sur cette Arche, mener ce genre de vie semblait impossible. Alors pour l'instant, il n'avait plus envie de s'expliquer ou de crier. Il voulait juste savoir ce que son épouse comptait faire : rester ou partir. C'était la seule chose importante à savoir. Emma répondit qu'elle n'en savait rien, justifiant qu'il avait été dur avec elle. Il en avait conscience, mais n'arrivait pas à se contrôler. Il regrettait tant de lui avoir reproché son passé, alors il s'en excusait sincèrement. Pas pour la forcer à rester, juste parce qu'il n'avait pas voulu de tout ça. Elle lui répondit clairement, sans chercher à passer par quatre chemins. « J'ai parlé sans réfléchir Emma, sinon jamais je ne t'aurais reproché ça, tu le sais, non ? » Elle ne le connaissait plus, à ce point ?

Ronan essayait de se justifier. Il savait qu'il était difficilement pardonnable, mais il voulait lui prouver qu'il avait ses raisons, qu'il ne hurlait pas par plaisir. Ça n'excusait peut-être rien, mais ça expliquait bien des choses. « Je n'arrive pas à comprendre comment on peut oublier une telle chose... » Souffla-t-il. Pas pour relancer le débat ou se disputer de nouveau, juste parce que c'était vrai. Il n'imaginait pas que l'on puisse oublier une chose si importante. « Tu n'aurais pas dû avoir à supporter Fantine et ses menaces... C'est à moi qu'elle en veut, tu n'y es pour rien. » C'était vrai. Fantine cherchait à le détruire et Ronan savait qu'elle le ferait en passant par Emma, c'était la meilleure façon de faire. A cause d'elle, ils s'étaient disputés. Sans elle, cette conversation n'aurait jamais eu lieu. Ronan avait ses fautes également, il n'aurait simplement pas dû s'emporter autant, mais il avait paniqué. Paniqué à l'idée de ce qui avait pu être dit durant cet échange.

Il ne bougea pas lorsqu'elle alla s'asseoir sur le bord du lit. Il n'y avait pas besoin d'être un génie pour comprendre qu'Emma allait mal. Ronan l'avait remarqué, mais il n'osait rien dire, rien faire. Il ne savait même pas où ils en étaient tous les deux, alors il se voyait mal se rapprocher d'elle. Elle était sans doute fatiguée, fatiguée de la vie que lui offrait son mari et de la vie sur l'Arche. Il ne se rapprocha pas d'elle, préférant garder ces distances. Il ne savait toujours pas quelle décision Emma allait prendre. Se sentant si faible, il ne put que lui lancer qu'il avait besoin d'elle pour vivre. Et c'était vrai. Ce n'était pas réfléchi pour qu'elle se sente obligée de rester, c'était simplement sincère. Sa réponse fit un bien fou à Ronan. Bien sûr, ça n'assurait pas qu'elle resterait, mais ça le rassurait quelque part, qu'elle lui dise cela. « alors tu vas rester ? » Il ressemblait sans doute plus que jamais à un enfant apeuré. « Je comprendrais, peu importe ta décision... » sortit-il difficilement, les mots restant presque bloqués. Il voulait qu'elle reste, mais il voulait qu'elle comprenne qu'il n'était pas le monstre qu'elle croyait, qu'il pouvait accepter qu'elle parte pour être heureuse, qu’il pouvait accepter d'être malheureux pour elle, malgré tout ce qu'il avait dit ou fait.